Il est en réalité impossible d'écrire un petit traité des passions, le sujet est trop vaste et trop complexe. Réduisons-le ici aux passions libertines puisque c'est le sujet de notre blog.
Au risque de nous répéter, le libertinage a certainement pour primat la sexualité de groupe mais son essence est plus complexe, comme la sexualité d'ailleurs ; et il nous faut aller faire un petit détour afin de mieux appréhender notre sujet.
L'erreur lambda est de considérer la sexualité comme une appétence, un désir ayant pour support un fantasme, ou un ensemble de pratique. La sexualité existe en réalité entre les deux, et il faudrait parler d'intersexualité pour être exact. La sexualité est le pont entre les sujets, le lieu de rencontre des désirs et des pratiques qui vient fondre l'intentionnalité des fantasmes aux actes du corps mais dans une perspective sociale, tribale, culturelle, intersubjective. La sexualité ou l'intersexualité se compose d'un champ de mots, de gestes, de pratiques, d'actes ou d'intentions imaginaires.
Aussi la sexualité n'est pas réductible à la reproduction comme le soutenait Schopenhauer, et non plus à la simple recherche du plaisir. Dans cet espace clos se joue l'intégrité du sujet, son corps social, la validité de son moi narcissique et toutes les souffrances ou les joies à venir.
Il suffit de réécouter l'enjeu de la sexualité chez les adolescents pour se souvenir combien notre construction sexuelle est intimement liée à la construction de notre sujet. Il suffit d'aller encore un peu en arrière et de se souvenir des règles de conduites de nos parents et de la société dans laquelle nous vivions lors de nos premières expériences pour comprendre combien nous sommes dans notre sexualité d'aujourd'hui chacun en lien avec ce passé, avec cette culture transmise par nos parents, nos amis et amies d'enfance et plus largement la culture de la société. Sexe et culture, sexe et langage sont la grammaire du sujet.
Ce préalable ayant été affirmé, il devient plus facile de comprendre, comment le libertinage prend racine dans notre contexte contemporain et où se situent ses limites ou plus exactement ses bornes, notamment les frontières corporelles, psychologiques ou morales et sociales.
Les bornes charnelles extrèmes sont assez facile à identifier. Certains libertins parlent de soumission / domination. Le terme même qui évite celui de sado – masochisme (autres mœurs libertaires qui transcendent assez facilement le libertinage contemporain car ils traverse tous les bords) indique bien la limite que la chair s'autorise ici. Peu de libertins pratiquent d'ailleurs la domination / soumission, éventuellement sous forme de jeu assez soft. Et les plus confirmés ou les réels adeptes prefèrent aller se rallier sous la bannière sado-maso, abandonnant la catégorie libertine qu'ils trouvent bien trop plon-plon.
On trouve également des limites intermédiaires mais les décrire toutes serait un peu fastidieux. Nous préférons juste indiquer la question de la pénétration qui nous semble fortement significative, car elle divise le monde en deux, d'un côté ceux qui acceptent cette pratique et ensuite tous les autres avec tous les produits dérivés qui découlent d'un éloignement ou d'un rapprochement de l'autre partenaire (mélangisme, côte à côtisme, faux semblant de saphisme, etc.)
Nous avions abordé un peu les frontières morales et psychologiques dans un article précédent sur la jalousie. Nous ne reviendrons que pour résumer le fait que la jalousie, bien plus qu'un simple sentiment de souffrance tout à fait légitime, est surtout l'expression d'un vieux reste du narcissime primaire, cette indifférenciation entre le moi et le monde. Touche à « ma » femme ou « mon » homme ; le « ma » ou le « mon » est ici un « moi ». Moins qu'appartenir, il fait corps avec soi et donc toucher l'autre peut-être vécu comme un viol de soi. Mais la jalousie est aussi l'expression d'un désir. Avoir peur d’être trompé, cela peut aussi être le désir de vouloir tromper. Le désir revient sous forme inversé par culpabilité. Jalousie et cupidité sont de la même étoffe. Le candaulisme en est également une des figures de sortie.
Bref, la jalousie, au delà de l'acception populaire est un sujet central, et tous, libertins ou non libertins, nous sommes amenés à nous accommoder avec. Les couples libertins d'aujourd'hui règlent en grande majorité la question par la fusion (le refus de se séparer pendant l'acte) ou le refus de poursuivre la relation avec les mêmes ; tandis que les célibataires libertins.. mais peut-on parler réellement de libertinage quand on est célibataire car en théorie, point de danger point de libertinage mais plus de l'amour libre... mais nous devrons y revenir forcément plus longuement.
C'est évidemment socialement que la frontière est la plus évidente et probablement la plus jouissive. Nous n'irons pas jusqu'à dénoncer certains couples que nous avons croisés dans nos aventures et qui nous semblaient plus jouir du statut de libertin que de la partie fine. Mais il est évident pour pour certain l'excitation de l'idée d'une sortie de piste est très supérieure à la sortie de piste elle-même qui peut même après coup être angoissante.
Le libertinage est en réalité plus conventionnel et bien moins exotique que ce que les revues de papier glacé ou les sites web hauts en couleur semblent le vendre. Il n'en reste pas moins que comme tout le reste, c'est un univers qui apporte ses joies et ses peines, ses interrogations et ses crises ni plus ni moins qu'ailleurs. Passion ordinaire des couples ordinaires. Seriez-vous d'ailleurs capables de différencier un couple libertin d'un couple non libertin dans une soirée classique ? C'est le grand jeu des libertins que d'essayer de deviner.. et bien, c'est impossible sauf à aborder le sujet directement évidemment.
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