mardi 17 avril 2012

Un tiers vaut mieux que deux tu l'auras

A la demande générale, je vais vous chanter « el sombrero »... Non, il s'agit d'une blague bien connue mais il est vrai que certains nous ont demandé quel était notre point de vue sur le candaulisme, pratique qui consiste à partager ou regarder sa conjointe dans les bras d'un autre homme.
Cette pratique est relativement complexe car elle va du simple partage à l’humiliation.
Le mot vient de l'histoire du roi Candaule qui aurait trouvé sa femme si belle qu'il l'obligea à marcher nue devant les soldats avant de la tuer à cause de son refus. Une autre version indique qu'il l'aurait montré nue à un homme et que sa femme pour se venger aurait demandé à l'homme de tuer le roi, de l'épouser et de prendre sa place sur le trône.
L'histoire rapporte plus un interdit où la jouissance moderne vient s'engouffrer.
Freud, de mémoire, explique cette pratique par le besoin d'un homme de retrouver une forme de puissance virile en se projetant dans le corps du jeune amant fougueux. C'est aussi l'hypothèse du roman de Romain Gary, « Au delà de cette limite, votre ticket n'est plus valable », où le héros, amoureux d'une jeune femme mais en difficulté érectile offre à sa promise de jeunes hommes.
Reste, comme toujours, que la réalité est plus complexe.
Certains pratiquent le candaulisme pour vivre certaines tendances homosexuelles, profitant que le jeune homme soit occupée par la femme pour s'occuper de lui. D'autres vivent par procuration la puissance érotique du jeune homme, d'autres vivent cette pratique comme une continuité logique du libertinage ou plus exactement de l'échangisme, considérant que si le couple se partage parfois des jeunes femmes, ils peuvent aussi se partager des jeunes hommes.
Mais plus que ces explications, c'est l'entrée d'un tiers, qu'il soit homme, femme ou couple dans le couple qui offre l'analyse la plus intéressante. Et cela est d'autant plus repérable quand il s'agit d'une seule personne.
L’entrée d’un tiers dans le couple change le regard et offre un spectacle au sujet qui regarde. Faire entrer un/e autre oblige à de décentrer et à voir son / sa partenaire différemment. Comme la fonction d’un miroir qui nous fait prendre conscience de notre soi, le/la tiers nous fait prendre conscience de l’autre.
Ce n’est pas sans danger car la fonction du regard est cathartique et l’abréaction d’autant plus forte que l’expérience est nouvelle. Au point que certains peuvent se figer sur cette étape et y trouver une jouissance particulièrement forte. Plus que dans l’acte lui même. Jusqu’à s’y perdre et rechercher dans certains cas l’humiliation et une forme de masochisme.
Mais pour d’autres les enjeux du désir et la désacralisation de la sexualité font que le désir reste flottant, ouvrant juste des perspective de partage et de jouissance dans l’abandon des codes symboliques.
Reste que quand le couple s'essouffle dans son désir, l’entrée du danger et de la compétition réactive la jalousie et le désir de possession. C’est pour cela qu’il est assez courant chez les échangistes que l’activité érotique soit plus forte encore le lendemain que dans les parties fines. In fine, la sexualité échangiste n’est que le prélude à des retrouvailles; un petit tour chez les autres pour assouvir quelques penchants avant de revenir dans le confort du foyer.
Post hoc, ergo propter hoc.

mercredi 4 avril 2012

Retour à cold mountain


Après quelques semaines d'absences du à une autre passion plus musicale, je reviens aujourd'hui pour exposer quelques réflexions.




Pour avoir discuter ces dernières semaines sur la définition du libertinage et voir combien certains ont une visions fantaisiste de la chose et ce qui l'accompagne, je ne peux que redire ce qui me semblent de plus en plus évident. Le libertinage n'existe pas. Ou plus exactement n'existe plus.

En un autre temps, le libertinage avait une odeur de souffre et collait à la peau de personnages qui allaient contre les mœurs de leur temps. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, et l'apparition contemporaine d'un nouveau genre, le couple échangiste vient de plus changer la donne. Parler de couple libertin est manifestement une aporie. Soit on parle de couple libre, soit on parle d'une association de malfaiteur si j'ose dire, deux libertins qui convolent ensemble...

Ce que l'on nomme aujourd'hui libertinage, lorsqu'il est pratiqué solitairement, ressemble fortement à la catégorie sociale des dragueurs et des gentils garçons. Que ces derniers ou ces dernières soient d'ailleurs dans une consommation compulsive ou dans la recherche d'un partenaire idéal. Les deux faces se valent bien. L'idéal est par essence inatteignable. C'est un leurre.

Quant aux pratiques de couples, de ce que je peux observer depuis bientôt cinq ans, c'est essentiellement une sorte de new deal pour dépasser les problèmes classiques : asynchronie sexuelle, jalousie, désir et lien social.

Il est d'ailleurs intéressant d'observer les nouveaux venus dans cette pratique et la manière dont ils construisent leurs discours et leurs envies. Habituellement, ils entrent dans ce petit monde interlope par les fantasmes, mais comme à chaque fois, le fantasme n'est pas le bon chemin. Le fantasme par essence n'est pas réalisable, c'est donc forcément un ratage. Passé la déception (ou les frayeurs !) du début, les couples s’accommodent plus facilement de fantaisies sexuelles, ajoutant un nombre de frontières proportionnellement égales à la surface de leurs fantasmes, rendant ainsi le convolage en justes noces relativement bien normé et loin du souffre débridé des aïeux libertins.

N'oublions pas évidemment ceux qui viennent assouvir une forme de perversité (au sens littéral, pas la perversion). Eux savent très bien comment ils doivent jouir. Qu'ils ou qu'elles soient fétichistes, narcissiques, dans le contrôle ou dans des glissades homosexuelles à moitié assumées, tout peut se réduire finalement à une forme de fétichisme de corps, le leur ou celui d'un autre qui n'est qu'un corps idéal projeté, comme dans le candaulisme par exemple.

En réalité, ce sont ces derniers, ces prétendus pervertis pour la société qui font le trait d'union avec l'histoire du libertinage, car eux sont hors convention et sortent réellement des mœurs de notre temps, de tous les temps même. On y retrouve bien plus facilement la figure d'un Don Juan ou d'un Casanova que chez la plupart des couples.

Reste que si le mot libertin a changé d'acception, ces nouvelles pratiques signent la particularité de notre société en dérive affective. Comme un contre pied à la société du spectacle, ces néo-libertins cherchent à réinventer une vie de couple ou une vie affective qui soit plus respectueuse.

Je pense notamment à un homme seul néo libertin de condition, détestant les boites de nuits ou la drague et qui nous avait dit ne pas apprécier d'être pris pour un objet sexuel. Un discours étonnant décalé pour qui jette un œil trop rapide sur ce petit monde interlope.