mardi 29 mai 2012

Nous ne sommes pas...


Il faut parfois se l'avouer, nous ne sommes pas des libertins.
A en voir, à en rencontrer, à partager avec eux des moments plus ou moins intimes, nous ne nous sentons pas à notre place dans leur monde.
Univers de rituels, de règles, univers de fantasmes, c'est un monde de théâtre qui se contente d'un lever de rideau pour jouer une pièce en un ou plusieurs actes où chacun a une place trop précise pour ouvrir le sujet au monde, au plaisir de l’altérité.
Des souvenirs nous reviennent, ils ont le parfum de satan, le souffle de la maladie. Des corps enfermés dans une posture et une tenue qui n'est pas la leur, des hommes et des femmes avec un masque de mort, occupés à réaliser désespérément un fantasme, à voler chez les autres un ersatz de naturel. Mais le naturel ne s’échafaude pas, il est.
Chaque couple, chaque femme, chaque homme est comme un jardin fruitier, promesse de délice et de joie, promesse de découverte et d'émerveillement. On ne le parcourt pas pour y entasser tous les fruits que l'on aime mais pour le plaisir d'y voir le mystère d'une nature rayonnante et généreuse. Et quand on fini par mordre dans un fruit que l'on a cueilli au hasard de notre promenade, c'est un acte de communion qui précède le plaisir et non un vol ou un achat à l'étalage.
Des souvenirs nous reviennent, joyeux, rieurs, sauvages, de personnes plus libres que libertins qui dans la douceur d'une rencontre éphémère ou amicale sont venus partager avec nous les fruits de leur passion, s'offrir entière à nous au moment où nous nous offrions entièrement. Communion des âmes et des corps, jouissance mystique et animale qui se fiche des conventions.
Voilà d'ailleurs le secret, ne pas s'enfermer dans les conventions, de couple, de libertin, d'adultérien ou de je ne sais quoi.
La « chose sexuelle » est un acte de création, pas un acte de plaisir. Ce n'est ni un quête ni un besoin, encore moins ligne de force et de tension entre les hommes et les femmes.
Cette ligne frontière que nous installons tous entre le faire et non faire est une violence pour la nature. Les arbres ne poussent pas droit, les gourmands envahissent les troncs, le pollen se disperse au gré du vent, les jeunes pousses sont partout, au hasard de cette communion entre une terre qui conditionne la vie et les forces vitales de la nature qui s'essayent dans toutes les directions.
Nous ne sommes pas libertins. Nous n'aimons pas ces fausses rencontres, ces programmes définis à l'avance, ces règles du jeu indigentes qui tuent le désir. Nous n'aimons pas ces rencontres charnelles qui sont minutées, qui ne veulent s'ouvrir que dans un petit théâtre de marionnette.
Des souvenirs nous reviennent, de ces amitiés naissantes avec des couples, des femmes et des hommes qui s'abandonnent dans notre jardin pour s'endormir dans l'herbe fraîche de notre lit, sans autre condition que celle d'une nature apaisée, amicale et joyeuse.
Qui sont ces libertins finalement qui présentent leur corps comme un objet cadeau pour mieux nous voler ? Qui sont également ces parangons de vertu qui enferment leur couple dans une pâte fusionnelle indigeste ? Ce sont les mêmes en réalité.
La vie n'est que promesse ; du premier vagissement de l'enfant à notre dernier souffle, nous ne sommes qu'un peu de vent qui passe dans le feuillage parfumé d'un pommier.
Cette promesse, cette passion est partout autour de nous : dans les arts, dans la musique, dans les rencontres humaines, dans la sexualité. Aucun autre plaisir n'est plus grand que celui de s'abandonner à notre nature de brise légère et inconstante ; il n'y a pas de d'autre éthique que jouer comme un enfant dans un jardin fruitier.

mercredi 9 mai 2012

Petit poème en foutre (3)

Dans la lueur d’un matin de printemps, blafard, rideau rouge au pied d’un Paris qui s’éveille, je sortais du lit. Dans la lueur d’un matin de printemps, dans le lit chaud, cocon maternel d’enfants turbulents, des jambes nacrées, des cheveux d’or, des cheveux bruns, tout était mélange de chair assoupie et de senteur de baleine dans une eau profonde de draps agités.
Dans la lueur d’un matin de printemps, le rêve éveillé, la rêverie douce d’un café de bohème, le bras endolori, le sexe douloureux, les oreilles brûlantes, je nageais hors du lit conjugal où s’étaient conjugués plaisirs, douceurs, poissons féminins frappés de ma flamberge, brimborions de râles étouffés, échos de sauvageries improbables et primitives.
Dans la lueur d’un matin de printemps, les chairs collées, les muscles froids, le sel en bouche, le vif-argent brûlant sur ma langue épuisée, je parlais latin, satin, chaldéen, arachnéen dans un lit de toile où deux femmes nouées en brêlage dansaient sur une mer noire de cils, leurs poitrines se gonflant à la houle de rêves intrépides.
Dans la lueur d’un matin de printemps, café en main, cigarette en main, coeur en main, mainte fois rêvé, je contemplais la nuit chassée par un soleil fauve qui perçait le lit de milliers de lances sur deux corps diaphanes embrumés de sommeil.
Dans la lueur d’un matin de printemps, blafard, rideau rouge au pied d’un Paris qui s’éveille, j’étais sorti du lit.

mardi 8 mai 2012

Éthique et toc !

Quelques appels du pied ces derniers jours de couples ou de femmes qui viennent avec des propositions précises. Peut-être est-ce ce temps d’”érection” présidentielle qui entraîne les esprits à présenter un programme plutôt qu'une âme, mais il est étonnant de constater que les libertins contemporains s'enferment de plus en plus dans une forme d'objectivation de leur désir en les investissant d'un potentiel d’autonomie subjective qui leur font croire à la vérité de leur désir.
Mais le désir est en réalité sans vérité et ne reflète aucunement la profondeur du sujet mais ce qu'il en rejette. C'est une instance qui se multiplie proportionnellement aux frustrations du sujet. Que le sujet se raconte de belles histoires sur son désir ne montre en réalité que sa fuite face à l'objet de satisfaction.
La découverte récente du site http://www.sugardaddy.fr/ est ainsi dans l’air du temps. On ne rencontre plus, on échange. Un peu comme dans toute relation contractuelle, on troque, à défaut d’argent, ses désirs en espérant ainsi combler le trou béant des fantasmes.
Qu’est-ce qu’un fantasme d’ailleurs. Il revient de préciser un peu que le fantasme n’est pas une fantaisie. Un fantasme s’articule sur l’interdit. Il est comme le creux qui existe par le trou qu’il laisse dans le sujet. Que les sites de rencontre accordent autant de place aux images et si peu aux textes, à la parole des sujet (www.netchangisme ne permet que 1000 caractères pour se présenter mais autorise la publication de milliers de photos) en dit long sur l’indigence imaginaire de nos contemporains. Ils viennent ainsi tous à tour de bras si j’ose dire présenter des morceaux de chair comme des élans de désir qui ne sont rien de moins que des morceaux de phallus pénétrable en l’autre, laissant très souvent le seul morceau du corps qui peut faire écran à la fascination pour retrouver le vrai sujet : soit le visage et surtout le regard.
Partant de là, il est donc évident que les rencontres sont des rencontres de dupe où le plaisir réel se dérobe très souvent, laissant un goût d’inachevé chez ces néo-libertins et mutant au final leur désir en addiction.
Et l’addiction n’est pas l’essence du plaisir, mais sa tentative frustre de retrouver un plaisir perdu, ancien, premier, primitif même !
C’est une des raisons pour lesquelles les rencontres sont souvent ratés. Mauvais “baiseurs”, tout occupé à satisfaire leur narcissisme dans un programme bien construit, ils ratent l’autre (et eux-mêmes) au point de devenir parfois caricature. Homme à la verge flaccide, femme poupée sans âme, jeux enfantins de touche pipi, supplices de candale sans saveur, les néo-libertins sont comme des fantômes où ne reste plus que le seul plaisir du spectacle pour se raconter une autre vie plus sulfureuse.
Mais il n’en va pas souvent autrement dans le couple dit traditionnel, où le compromis et les fantasmes vont aussi bon train et où le plaisir n’est ni plus ni moins mécanique et la jouissance un pis aller pour une médaille plus honorifique que héroique. Il n’y a pas besoin d’un tiers réel pour être libertaire à la sauce contemporaine. A deux, à trois ou  plus, rien ne change en réalité tant que l’on navigue dans les eaux troubles du narcissisme et du fantasme.
Où se situe donc le plaisir renouvelé et le l’assomption du sujet dans la sexualité ? S’il existait une éthique de la sexualité, elle serait à chercher du côté de l’indicible. Point de programme ou de fantasme. La chose sexuelle est le choc des altérités, dans la chair et dans l’esprit. Et à ce titre, il ne peut exister de garantie au plaisir comme à l’amour. Garantir par un programme ou une promesse que l’amour durera toujours, que le plaisir sera le fait d’une fantaisie mécanique bien construire sont certainement rassurant mais ce n’est que dans la possibilité que cette suture lâche, que l’improbable ou l’impossible vienne tout chambouler que naît le vrai désir et le vrai plaisir. A partir du moment où l’on accepte de croiser l’altérité, on s’expose au risque et on se rend disponible au désir. A toutes les formes de désir. Et de fait à la liberté.

lundi 7 mai 2012

Petit poème en foutre (2)




C’était une belle inconnue au cœur qui pleure, à la peau couleur de lait, à la chevelure de chèvre. C’était une belle inconnue et en son sein hurlaient des loups, comme des chiens de misère et des fantômes de sable. Ses yeux mouillés d’un lointain chagrin, sa bouche sèche et ses seins de marbre épousaient mes creux et mes bosses. Ses bras étaient de la vigne vierge qui  m’enracinait au lit, prisonnier de verdure, serpolet sauvage.
C’était une belle inconnue au cœur qui pleure. Avec elle, les draps flottaient dans le vent de nos corps en bataille, avec elle nos ombres ne faisaient qu’un sur le mur blafard de la chambre, avec elle le sabre en avant, la gueule béante, c’était la viande, le sang, la souffrance des chairs martyrisées, l’odeur de feu dans la ville pestilentielle, Sodome et Gomorrhe, Babel et les langues impossibles que nous nous racontions dans la sueur et suie de nos humeurs suintantes, coulantes, en filet de bave, en peau frottée jusqu’à la brûlure.
C’était une belle inconnue au cœur qui pleure. Elle avait le rire noir, le regard blanc, la peur au ventre; une boule qu’il fallait aller chercher loin en elle pour jouer, elle avait le soupir hurlant, le hurlement muet, la métaphore morte. C’était une inconnue de bohème, une de ces filles de rien qui écrase tout, qui aspire tout, un reflet de la vierge noire, de la nature sombre, un scorpion, une hyène, un cafard, un aigle, un soleil brûlant sur la nuque, une pince pour la verge, de la lavande au printemps, un sac d’os, un mort ressuscité.
C’était une belle inconnue au cœur qui pleure et à la peau couleur de lait, une belle inconnue à la chevelure de chèvre. Elle n’était que passée dans ma vie, laissant une traînée de feu en moi quand je ne lui avais laissé qu’une traînée de foutre.. C’était une belle inconnue. C’était.

mardi 1 mai 2012

Question de lumière (2)


Des anciennes séances en noir et blanc...



Question de lumière...

La photo est (toujours) une question de lumière plus que d'appareil... un peu comme le libertinage, qui est (toujours) une question d'esprit plus que de corps...