mercredi 28 septembre 2011

Déesse K. et Si chaud lina...

Il y a quelques temps, le libertinage est revenu sur le devant la scène avec l’affaire DSK. On a pu ainsi lire certains articles ou entendre certaines personnalités faire des amalgames intéressants. Notamment en dressant un portrait de dragueur et de libertin de l’ancien patron du FMI, deux notions dont nous avons déjà discuté ici et qui ne vont pas forcément de pair. De même, si de nombreuses personnalités ou journaux ont essayé de dire, grand dieu, qu’il y avait une différence entre être un séducteur et un violeur, nous entendions aussi que compte tenu de sa personnalité, c’était à prévoir, qu’il avait déjà franchi certaines limites, etc.

Ainsi, dans l’affaire DSK, il y avait clairement un double discours. D’un côté des cris d’orfraie sur le scandale politique, le puissant menotté, le libertin libertaire enfermé, et de l’autre un parfum qui se distillait dans l’air sur les liens évidents entre le libertinage et les agressions soupçonnées de l’homme politique.

Dans le même esprit, si l’on revient un peu en arrière, il faut se souvenir de l’affaire Piroska Nagy. Le FMI s’était fendu d’un règlement interne indiquant que le harcèlement était un motif de licenciement. Mais de quel harcèlement s'agissait-il puisque les journaux de l’époque évoquaient une histoire d’adultère. Encore une autre forme de double discours.

Savoir ce qu’il a pu se passer réellement ne nous intéresse pas, mais si l’on s’en tient à tous les discours que nous avons pu entendre, on peut s’empêcher de faire le parallèle avec le déni et la forclusion. Faisons un petit rappel sur ces notions.

Quand une pulsion est refusée par le sujet, il y a source d’angoisse et l’un des moyens de défense du sujet consiste à faire un clivage. Le clivage est un mécanisme qui permet notamment au sujet de se scinder en deux pour faire face à une réalité angoissante. Et le sujet peut donc avoir deux réactions simultanées et opposées, l’une positive et l’autre négative, un peu comme un discours qui dirait “oui, mais...”



C’est exactement ce que nous retrouvons dans les discours ambiants qui se propagés autour de cette affaire, nous donnant une photographie de notre société face à la sexualité et notamment la sexualité libre.

Il suffit par ailleurs d'étendre l'épaisseur du trait et se souvenir que malgré les publicités érotisantes ou l'impératif de jouissance que propose notre société de consommation, la morale reprend le pas et cherche à juguler certaines pulsions. Souvenons nous des débats absurdes du voile contre le string, autre opposition dont le sens commun comprend très bien qu'il s'agit moins là d'une histoire de tissu que d'une angoisse face au désir, avec la confusion entre la pulsion et l'objet.

Notre société joue avec le désir comme un pendule, d'un côté, la jouissance absolue, de l'autre, la règle morale, pour une apothéose finale qui pourrait prendre le titre d'un texte de Alain Soral : Misère du désir. Car ce qui se trame ici n'est autre que l'angoisse et ses mécanismes de défense.

A cette figure de DSK, l'homme politique prit dans la tourmente du sexe, j'avais envie d'opposer en miroir une autre figure qui a défrayé la chronique dans les années 90, la Ciccolina.

Femme un peu fleur bleue, enfantine avec son jouet-fétiche, le ciccolino, elle ouvre une transparence quasi opposée, comme un miroir à notre autre figure. Il suffit d’ailleurs d’aller jeter un oeil sur son site officiel pour voir pèle mêle des photos de charme, de son enfant, de ses proches; la pudeur morale qui forge les relations contemporaines habituelles a totalement disparue. Ici, c'est tout le contraire de la forclusion qui se joue, mais au contraire une transparence absolue, comme une lumière aveuglante tellement les ombres faites par les frontières morales sont totalement absentes.

Militante acharnée contre toute forme de censure, se prononçant pour l’éducation sexuelle, la dépénalisation des drogues, la liberté sexuelle totale, y compris dans les prisons, elle avait même en boutade (mais était-ce une plaisanterie ?) annoncé officiellement qu'elle était prête à faire l’amour avec Sadam Hussein pour la paix dans le proche orient

Face au chantre du libéralisme de Déesse K., son logba, son double féminin, la si chaud lina en impose finalement bien plus. Mais une lumière sans ombre n'est pas faite pour durer et notre société continuera plutôt de jouer avec le désir comme avec un pendule.

vendredi 23 septembre 2011

culte du mariage

Ce culte du mariage comporte différents thèmes dont le plus évident est la glorification de la mère et de la fonction maternelle. L’amour d’une mère, que nul n’oublie, dont chacun a sa part, etc. Ce n’est pas faux. Mais il ne faudrait pourtant pas oublier qu’avec cet amour, les mères peuvent faire passer bien des choses, comme on vient de le voir. Le chantage affectif qui fait de cet amour un objet de troc est trop connu pour qu’on y insiste... Que n’obtient-on des enfants en échange de cet amour ! Et en tout premier l’amour filial qui est demandé, exigé. Le choeur des mères taxant d’ingratitude leurs enfants est propablement éternel. Si l’amour maternel et filial est le premier modèle d’amour, il ne faut pas trop s’étonner des habituels grincements de la vie amoureuse. C’est à dire que dès le départ, on est bien forcé d’admettre une forte capacité de leurre pour que puisse persister l’idée même de l’amour. Il faut dire que cette idée est soutenue par l’ensemble du groupe, de la société. Toutes les civilisations chantent les louanges des mères. Ce qui ne les empêche pas, et on retrouve là la duplicité du discours maternel lui-même, de développer en même temps le mépris et la méfiance à l’égard des femmes. l’accès à la maternité est le but, non seulement proposé mais encore imposé aux femmes, si elles veulent échapper à la crainte qu’elles inspirent. “Tu seras mère” dit la société à la petite fille. Il semble difficile de nier que la plupart des femmes aiment s’occuper d’enfants. De nombreux hommes aussi, d’ailleurs. Là encore, la lucidité de Freud vient couper court à toute invocation naturaliste de l’instinct. Ce n’est pas par instinct que la petite fille joue à la poupée. On le lui apprend. C’est peut-être par goût que beaucoup de femmes joueront avec leur enfants. Mais il faudra qu’elles apprennent à les nourrir et les soigner. La plupart des jeunes ménages contemporains se partagent les tâches et les travaux créés par la présence de l’enfant. Et la majorité des jeunes pères savent à l’occasion nourrir et langer leur descendance. Freud pour sa part ne s’attendrit pas devant le grand oeuvre de la nature. Ce qui attache l’adulte à “sa majesté bébé”, c’est, dit-il, un sentiment analogue à celui qui lie l’homme aux petits animaux : une image d’insouciance et de liberté sans limites dans laquelle il voudrait bien se reconnaître. En donnant à l’enfant une sorte de toute-puissance, c’est à son fantasme de toute-puissance que l’adulte donne libre cours.
    Bien entendu, cette dimension narcissique de l’amour maternel est parfaitement méconnue dans la glorification des mères.
    Que des animaux femelles se sacrifient pour leur portée est possible, que des mâles puissent le faire est probable. Que des femmes et des hommes le fassent est certain.
    C’est cette virtualité qu’exploite le culte maternel. Le mensonge commence lorsque de la proposition “les parents peuvent se sacrifier pour leurs enfants”, on fait “toutes les mères se sacrifient pour leurs enfants”. Ce mensonge ne prend, bien sûr, toute sa portée que parce que de véritables mères le croient. Le mythe se renforce ainsi par de véritables circuits de réverbération. La société assigne à la femme la maternité comme accomplissement d’elle-même. Certaines femmes assument la maternité à condition qu’elles soit marquée d’héroïsme. Toute tentative de créer une sexualité qui ne se limite pas à la génitalité devient objet d’opprobe.
    La célébration de la mère entraîne deux corollaires : le culte de la famille et celui de la fidélité conjugale. Rien que de poser la question d’une justification de ces dogmes peut paraître choquant. Considérer qu’il pourrait y avoir pour l’homme d’autres modes de vie que le mariage monogame est scandaleux : il faut être fou ou pervers pour imaginer une autre vie.
    La concentration de l’intérêt sur la cellule familiale est source de progrès, de développement. On sait pourquoi on travaille : pour permettre à sa famille la vie la plus agréable possible. Assurez le confort, l’avenir. Tous les poncifs gravitent autour du “croissez et multipliez”. L’intérêt de la famille coïncide avec l’intérêt de la société. Le couple soucieux de l’épanouissement des enfants doit se concentrer sur son travail, accroître sa productivité, son rendement. Production et reproduction évoluent parallèlement.
    Tout ce qui vient perturber cet ordre doit être prohibé. Et en tout premier lieu ce consommateur majeur d’énergie et de temps : l’adultère, l’amour extra-conjugal. Cette source de péchés, de délits, voire de crimes et de ruines entraîne en outre des troubles de l’équilibre psychique et précipite ses victimes dans la dépression et la folie.
    Il faut pourtant se rendre à l’évidence : la majorité, l’immense majorité qui reproche l’infidélité aux seuls hommes sous le prétexte que : “les hommes ne pensent qu’à ça”, oublie que , pour qu’il y ait adultère, il faut bien que chacun des hommes débauchés trouve une femme comme partenaire.
    Pourquoi rabâcher ces banalités ? Le mouvement d’humeur même qu’on éprouve à les lire traduit le peu de cas qu’on voudrait en faire. C’est un incident de parcours sans importance, qu’il s’agit surtout de ne pas prendre au sérieux. Soit. L’incartade nécessaire pour permettre de se replonger plus efficacement encore dans les activités sérieuses, avec éventuellement l’aiguillon d’une culpabilité rentable.
    Allons jusqu’au bout du cynisme. Si l’échappée hors de la cellule familiale, hors du travail quotidien, était justement la visée ultime de chacun ? Si l’aventure, sous toutes ses formes, était ce à quoi aspirent l’homme ou la femme, à l’opposé de tout ce qui paraît raisonnable : penser au lendemain, assurer l’avenir, donner aux enfants le maximum de chances dans l’existence, poursuivre une oeuvre ?
    L’aventure amoureuse, qui est aussi le modèle, jamais achevé d’ailleurs, de l’aventure en général, qu’elle soit exploration, création artistique, transformation, fait “perdre du temps”. On ne produit pas. Et qui pis est, non seulement on ne consomme pas non plus, mais encore on n’a pas envie de consommer. Tous les objets tentants offerts par la publicité perdent leurs attraits pour ceux qui osent courir le risque d’un désir personnel, individualisé.

Lucien Israel, L'hystérique, le sexe et le médecin. Page 110

mercredi 21 septembre 2011

Il était une fois dans le libertinage...

« Couple très uni, libertin, marié, coquin, cherche couple même profil pour soirées débridées » Voilà une annonce qui peut sembler assez classique lorsqu'on se promène sur un site « libertin ». Pourtant, après quelques réflexions, on commence à se dire qu'il y a « quelque chose de pourrie au royaume du danemark »... N'y-a-t-il pas un paradoxe à parler de libertinage et de couple uni ou marié ?
Le libertinage était jusqu'à présent considéré comme une certaine liberté des mœurs et des dogmes, allant parfois jusqu'à être considéré comme une forme de dépravation et une quête égoïste du plaisir.
Mais voilà, le monde d'hier n'est plus celui d'aujourd'hui.
Aussi voyez vous sur les annonces de nombreux interdits qui fonctionnent comme des mantras: interdit aux hommes seuls, interdit aux poils, etc. qui s'ajoutent à un catalogue de pratiques ou d'objets fétiches : mélangistes, talons haut et lingerie, champagne, etc.
Tout ceci nous fait immédiatement penser que nous quittons en réalité le registre libertin pour celui du plus-de-jouir, celui du consumérisme.





Expliquons quelques instants ce qu'est ce plus-de-jouir pour comprendre le consumérisme sexuel.

Lacan avait réinterprété Marx en comprenant que la plus-value, soit le travail pour lequel le salarié n'est pas payé, cette marchandise qui permet d'enrichir le capital est en réalité un plus-de-jouir.

La plus-value n'est rien d'autre que du travail non payé. Le capitaliste achète le travail ou le savoir de celui auquel il verse un salaire. Mais ce salaire ne paie que ce qui va permettre au salarié de reproduire sa force de travail : en clair le capitaliste donne à celui qu'il emploie les moyens de subsister, mais il lui demande de travailler au-delà de la limite que constituerait la simple reproduction de ses moyens de subsistance. Il utilise cette force de travail pour produire une certaine quantité de marchandise qui, elle, ne sera pas payée. C'est cet écart que Marx appelle la plus-value et auquel Lacan donne le nom de "plus-de-jouir". C'est l'objet auquel renonce le sujet et qui le frustre mais qu'il retrouve par ce que le marché lui propose d'acheter et vient combler partiellement sa jouissance perdue.
C'est donc la circulation de ce plus-de-jouir ou de cette complétude impossible que recherche en permanence le sujet et qui nous fait fantasmer sur l'iphone 3, puis 4, puis 5 etc.. ou, du côté des pulsions sexuelles sur une femme plus grande, plus blonde, un sexe plus gros, plus petit, etc.

Nous jouissons des objets consommations qui sont des retours d'une jouissance perdue comme nous jouissons ici des corps étrangers qui viennent répondre à ce que nous avons perdu dans le mariage ou le « couple uni », un doux euphémisme, car il serait plus logique de parler de couple libre.

N'en déplaisent à certains, les vrais libertins sont en réalité ces hommes seuls ou ces femmes seules qui peuplent comme des fantômes les sites de rencontres sans comprendre pourquoi ils ne peuvent eux, accéder à un plaisir / désir direct, sans autre but que l'objet pour lequel ils se présentent. Certes, il faudrait différencier un peu les hommes seuls des femmes seules car l'objet et la cause de leurs désirs diffèrent un peu, mais baste, ils sont les libertins. Et nous, couples unis, sommes plus échangistes que libertins pour la plupart.

Question de sémantique allez vous dire. Effectivement, il est possible de le voir ainsi également, après tout, si la définition du libertinage est d'être en dehors de la norme sociale et dans une quête d'un plaisir égoiste, soit. Mais prenons le temps de nous regarder dans le miroir et de nous voir au fond de nous. Quelle est réellement notre part de frustration ? Quelle est réellement la jouissance d'un couple échangiste ?

Posons nous la question... simplement, pour ne pas être dans cette norme justement et vivre comme des sujets libres et désirants.

samedi 17 septembre 2011

mardi 13 septembre 2011

Polyamour et cuisine équipée à tous les étages.

Élargissons un peu notre regard pour parler des mœurs contemporaines et indirectement de nous, vous qui profitez chers lecteurs et chères lectrices de nos pérégrinations intellectuelles et sensuelles.

Aujourd'hui, c'est le polyamour qui nous intéresse ici. Une vision assez particulière des relations affectives qui peuvent lier des êtres. Nous l'avons d'ailleurs connu avant même de connaître le mot et c'est en fouillant dans l'histoire des hippies que nous avons fini par tomber sur ce terme et comprendre qu'il regroupait un ensemble de pratique au moins aussi large que le libertinage.

Si vous parcourez la communauté des libertins, vous croiserez certains polyamoureux, ils existent aussi bien dans les couples que chez certains célibataires. Plus peut-être chez ces derniers car ils assument plus facilement le polyamour qu'un couple plus classique. Le célibataire étant moins en prise avec la jalousie.

Techniquement, le polyamour est le fait d'aimer plusieurs personnes. La sexualité n'est pas toujours centrale par ailleurs. Le polyamoureux ne joue pas dans la cour des "fuck friends" ou autre dragueurs à la petite semaine. Il engage ses sentiments et peut développer plusieurs relations affectives.



Psychologiquement parlant, le polyamour est aussi simple que naturel. Il part du postulat que l'on peut aimer plusieurs personnes. Qui a été parent sait que l'on peut aimer plusieurs enfants en même temps, le constat est le même pour les amours adultes qui, compte tenu de l'intimité sexuelle qui créée une proximité des affects, rien n'interdit alors que les sentiments se répandent et s'épanouissent au gré des opportunités. Un sentiment n'en chassant pas un autre pour autant. Le polyamoureux n'est pas pour autant un papillon.

Il existe en réalité de nombreux polyamoureux qui s'ignorent. Les hommes ou les femmes qui développent des relations extra conjugales sont souvent des polyamoureux qui ont quelques difficultés à assumer leur besoin d'amour plus large. Je parle évidemment de réelles relations affectives, car certains pratiquent l'adultère comme on irait au supermarché acheter une boite de pringles et pour ceux là, je vous invite à relire notre article sur la séduction.

Mais si l'adultère version affective est l'antichambre du polyamour, ce n'est pourtant pas la définition que souhaitent donner ces derniers. Vieux reste judéo-chrétien, le besoin de transparence est important et il suffit de lire les blogs sur le polyamour pour se rendre compte combien la transparence est centrale dans le polyamour. Pourtant certains se défendent d'une transparence absolue, arguant que l'objectif est d'abord de ne pas blesser l'autre et qu'il vaut mieux un joli jardin secret qu'une crise.

En réalité le polyamour a certainement pour source d'inspiration le nouvel ordre amoureux de Fourier. Utopiste parmi les utopistes, Charles Fourier avait déjà en son temps compris que le mariage était une forme d'asservissement des femmes et que l'inégalité entre les sexes étaient patentes. Presque deux siècles avant notre ère, Fourier proposait un modèle qui soit moins contractuel vis à vis de la société qu'entre les individus. Et surtout, probablement peut-on voir là une des formes du polyamour et surtout du libertinage contemporain, il avait compris qu'il fallait différencier l'amour céladonique de l'amour matériel. En d'autres termes, l'amour sentimental de l'amour physique. Et il proposait aussi l'amour pivotal, sorte de synthèse hégélienne de ces deux formes d'amour qui permet à l'individu de conserver un socle stable tout en allant butiner ailleurs.

Polyamour, Amour pivotal, nous avons connu un peu ces formes d'amour au tout début de nos rencontres. Nous avons vécu avec des femmes jusqu'à développer des sentiments croisées qui ne simplifiaient pas les choses mais, après tout, point de grand plaisir sans mise en danger. Et au final, c'est cette expérience là, dans un hors cadre social nous a appris à faire tomber les masques des faux sentiments et des faux penchants sensuels et aussi à se méfier des mots. Certains détails nous restent en mémoire, durant notre première histoire, la néréide parlait d'aimer en liberté, et la seconde parlait de nous trois comme un couple. Les mots en réalité étaient impuissants à définir ce type de relation, des milliers d'années de moralité délétère n'ont pas permis à nos langues de décrire toutes les subtilités des relations amoureuses.

Polyamour, libertinage contemporain, Amour pivotal, il y a finalement une inventivité amoureuse en l'humain qui ne peut se réduire à quelques pratiques ou quelques contrats ordinaires. Notre liberté de donner et de recevoir est infinie.

jeudi 8 septembre 2011

Petit traité des passions ordinaires...

Il est en réalité impossible d'écrire un petit traité des passions, le sujet est trop vaste et trop complexe. Réduisons-le ici aux passions libertines puisque c'est le sujet de notre blog.

Au risque de nous répéter, le libertinage a certainement pour primat la sexualité de groupe mais son essence est plus complexe, comme la sexualité d'ailleurs ; et il nous faut aller faire un petit détour afin de mieux appréhender notre sujet.

L'erreur lambda est de considérer la sexualité comme une appétence, un désir ayant pour support un fantasme, ou un ensemble de pratique. La sexualité existe en réalité entre les deux, et il faudrait parler d'intersexualité pour être exact. La sexualité est le pont entre les sujets, le lieu de rencontre des désirs et des pratiques qui vient fondre l'intentionnalité des fantasmes aux actes du corps mais dans une perspective sociale, tribale, culturelle, intersubjective. La sexualité ou l'intersexualité se compose d'un champ de mots, de gestes, de pratiques, d'actes ou d'intentions imaginaires.

Aussi la sexualité n'est pas réductible à la reproduction comme le soutenait Schopenhauer, et non plus à la simple recherche du plaisir. Dans cet espace clos se joue l'intégrité du sujet, son corps social, la validité de son moi narcissique et toutes les souffrances ou les joies à venir.

Il suffit de réécouter l'enjeu de la sexualité chez les adolescents pour se souvenir combien notre construction sexuelle est intimement liée à la construction de notre sujet. Il suffit d'aller encore un peu en arrière et de se souvenir des règles de conduites de nos parents et de la société dans laquelle nous vivions lors de nos premières expériences pour comprendre combien nous sommes dans notre sexualité d'aujourd'hui chacun en lien avec ce passé, avec cette culture transmise par nos parents, nos amis et amies d'enfance et plus largement la culture de la société. Sexe et culture, sexe et langage sont la grammaire du sujet.

Ce préalable ayant été affirmé, il devient plus facile de comprendre, comment le libertinage prend racine dans notre contexte contemporain et où se situent ses limites ou plus exactement ses bornes, notamment les frontières corporelles, psychologiques ou morales et sociales.

Les bornes charnelles extrèmes sont assez facile à identifier. Certains libertins parlent de soumission / domination. Le terme même qui évite celui de sado – masochisme (autres mœurs libertaires qui transcendent assez facilement le libertinage contemporain car ils traverse tous les bords) indique bien la limite que la chair s'autorise ici. Peu de libertins pratiquent d'ailleurs la domination / soumission, éventuellement sous forme de jeu assez soft. Et les plus confirmés ou les réels adeptes prefèrent aller se rallier sous la bannière sado-maso, abandonnant la catégorie libertine qu'ils trouvent bien trop plon-plon.



On trouve également des limites intermédiaires mais les décrire toutes serait un peu fastidieux. Nous préférons juste indiquer la question de la pénétration qui nous semble fortement significative, car elle divise le monde en deux, d'un côté ceux qui acceptent cette pratique et ensuite tous les autres avec tous les produits dérivés qui découlent d'un éloignement ou d'un rapprochement de l'autre partenaire (mélangisme, côte à côtisme, faux semblant de saphisme, etc.)

Nous avions abordé un peu les frontières morales et psychologiques dans un article précédent sur la jalousie. Nous ne reviendrons que pour résumer le fait que la jalousie, bien plus qu'un simple sentiment de souffrance tout à fait légitime, est surtout l'expression d'un vieux reste du narcissime primaire, cette indifférenciation entre le moi et le monde. Touche à « ma » femme ou « mon » homme ; le « ma » ou le « mon » est ici un « moi ». Moins qu'appartenir, il fait corps avec soi et donc toucher l'autre peut-être vécu comme un viol de soi. Mais la jalousie est aussi l'expression d'un désir. Avoir peur d’être trompé, cela peut aussi être le désir de vouloir tromper. Le désir revient sous forme inversé par culpabilité. Jalousie et cupidité sont de la même étoffe. Le candaulisme en est également une des figures de sortie.

Bref, la jalousie, au delà de l'acception populaire est un sujet central, et tous, libertins ou non libertins, nous sommes amenés à nous accommoder avec. Les couples libertins d'aujourd'hui règlent en grande majorité la question par la fusion (le refus de se séparer pendant l'acte) ou le refus de poursuivre la relation avec les mêmes ; tandis que les célibataires libertins.. mais peut-on parler réellement de libertinage quand on est célibataire car en théorie, point de danger point de libertinage mais plus de l'amour libre... mais nous devrons y revenir forcément plus longuement.

C'est évidemment socialement que la frontière est la plus évidente et probablement la plus jouissive. Nous n'irons pas jusqu'à dénoncer certains couples que nous avons croisés dans nos aventures et qui nous semblaient plus jouir du statut de libertin que de la partie fine. Mais il est évident pour pour certain l'excitation de l'idée d'une sortie de piste est très supérieure à la sortie de piste elle-même qui peut même après coup être angoissante.

Le libertinage est en réalité plus conventionnel et bien moins exotique que ce que les revues de papier glacé ou les sites web hauts en couleur semblent le vendre. Il n'en reste pas moins que comme tout le reste, c'est un univers qui apporte ses joies et ses peines, ses interrogations et ses crises ni plus ni moins qu'ailleurs. Passion ordinaire des couples ordinaires. Seriez-vous d'ailleurs capables de différencier un couple libertin d'un couple non libertin dans une soirée classique ? C'est le grand jeu des libertins que d'essayer de deviner.. et bien, c'est impossible sauf à aborder le sujet directement évidemment.

mercredi 7 septembre 2011

Les joies de la cueillette des champignons...

Nous n'avions pas encore parlé d'un des aspects les plus festifs du libertinage, à savoir les MST ! Le sujet mérite d'être abordé, même s'il n'est pas spécifique au libertinage, mais dès que les partenaires se multiplient, les risques se multiplient !
Il ne faut donc pas avoir peur de consulter régulièrement et surtout d'observer quelques règles de base. Le port du préservatif est obligatoire ! Et ce dernier doit être changé d'une partenaire à l'autre. Cette évidence n'est pas toujours claire dans l'esprit de certains messieurs. Précisons le donc !

Le port du préservatif étant accepté et acté par les hommes, il faut savoir que certaines maladies peuvent quand même être transmises. Et oui, sans danger, pas ou peu de plaisir... Notamment via les rapports entre femmes qui sont forcément moins protégés, comme le papillomavirus ou la chlamydia qui a le chic d'être souvent invisible au porteur, et donc de se répandre silencieusement.

Etonnamment, c'est un sujet que les libertins abordent peu et connaissent mal... sauf, sauf... ceux qui ont eu la malchance d'attraper une petite bestiole. Et alors là, le savoir ne met pas longtemps à venir. En se tournant simplement vers son médecin généraliste, on obtient quelques conseils de base qui évitent certains risques et pour ceux que l'on souhaite prendre (fellation ou cunnilingus non protégé), les risques sont identifiables et la surveillance doit être régulière.

A la cueillette des champignons, c'est la joie ou la débandade : protégez vous !

dimanche 4 septembre 2011

Le jeu de l'amour et du bazar...


Le libertinage moderne, comme nous l'avons expliqué dans nos articles précédent n'est plus le lieu de la remise en question des dogmes établis. Historiquement une remise en question notamment des dogmes religieux, le libertinage contemporain s'appuie beaucoup plus dans une perspective de re-création des liens sociaux et tribaux à mi-chemin entre les conventions puritaines de notre société occidentale et le l'individualisme forcenée du narcissisme libéral.

Aussi, il existe mille et une façon de vivre le libertinage, presque autant qu'il peut exister de catégories sociales ou manière de vivre son couple en autorisant les fantaisies de son partenaire et en s'autorisant les siens.

Cela peut paraître surprenant, mais beaucoup de couples illégitimes pratiquent le libertinage. On peut se demander où ils trouvent le temps de participer à des ébats supplémentaires à leur adultère, mais il faut surtout y voir plutôt une amitié sexuelle qui a pour objet de leur faire vivre ce qu'il ne peuvent trouver avec leur partenaire officiel.

Il y a également une proportion importante d'hommes seuls, peu sont réellement des libertins et voient surtout l'aubaine d'une coucherie facile. Malheureusement pour eux, la réalité est plus complexe et ceux dont le physique ou l'esprit ne va pas répondre à un fantasme ont peu de chance de concrétiser leur désir. Les femmes seules sont beaucoup plus rares, et sont plus souvent soit des femmes qui cherchent à vivre un moment saphique ou une expérience de domination ou de soumisson.

D'une façon générale, hommes seuls ou femmes seules sont plus en recherchent d'un ou une âme sœur que réellement d'un jeu. Mais il existe aussi quelques solitaires qui vivent le libertinage comme un mode de vie notamment pour la liberté de parole et pour l'intimité particulière que permettent ces rencontres.

Tous vous l'accorderont, a priori, quand on découvre autrui dans l'intimité, la parole est plus libre et les amitiés qui se construisent - pour ceux qui ne sont moins en recherche de la réalisation d'un fantasme ou pour ceux qui n'ont pas l'angoisse de tomber amoureux – sont plus vives et plus joyeuses.

Passé notre apprentissage du libertinage qui demande un peu de temps (nous en reparlerons), nos rencontres ont tendance à privilégier les amités naissantes ou effectives et beaucoup de libertins avec qui nous avons parlé privilégient ce type de rencontre.

Le libertinage contemporain est un sacré bazar mais pas forcément consumériste comme on pourrait le croire au premier abord.

Du rien au tout...

Nous avions une fois reçu une invitation pour participer à une soirée libertine qui se proposait de résoudre la question du passage du rien au tout. En effet, il n'est pas toujours évident lorsque vous rencontrez un couple libertin et que le courant passe bien de glisser d'un instant de bonne camaraderie à des moments plus sensuels.

La solution proposée n'était finalement pas plus idoine que les petites astuces que trouvent les libertins habituellement mais la question reste ouverte et mérite que nous racontions les divers trucs et astuces que nous avons pu rencontrer au cours de nos voyages en terre adulte.

Certains couples mettent en avant la bisexualité des femmes. Evitant ainsi le choc frontal hétérosexuel, les femmes se caressent et donnent le ton à la soirée, même si très souvent, il est difficile de parler de réel bisexualité. D'autres mettent en avant les jeux, photographie, gages progressifs à sortir d'un chapeau pour faire monter l'ambiance, d'autres aussi commencent par leur partenaire légitime pour laisser s'instaurer un climat propice à l'échange de partenaire.

Mais pour tous, le « truc » reste essentiellement le champagne, le glamour et le chic. Les femmes s’apprêtent, bas et porte jarretelle, robe courte, talons hauts et les hommes font la conversation. La séduction, qui est finalement la même que dans toute rencontre classique joue ici de manière exagérée afin de créer ce climat de confiance propre à l'abandon des sens.

Certaines soirées sont déguisés, d'autres sont fortement arrosés, certains usent de psychotropes, ou de saveurs culinaires (notre préférence, rien de tel qu'un prélude gustatif aux préludes plus sensuels), mais tous, débutants ou expérimentés, se posent cette question du passage du rien au tout.

Club privé and so what ?


Il existe environ 300 clubs privés libertins en France, un des pays les plus fournis dans la catégorie, mais probablement pas dans la diversité.
Nous n'avons pas une grande expérience des clubs même si nous en avons fréquenté quelques uns les premières années, Chandelles, Moon city, No comment et quelques autres lieux parisiens assez connus.
De notre point de vue, les clubs se ressemblent tous, seule la population est différente d'un club à l'autre ou en fonction des soirées. On retrouve toujours la même musique d’ascenseur (les mélomanes apprécieront les ennuyeux 4/4 des DJ en mal d'inspiration), la charmante odeur de vestiaire et de chaussette humide (les clubs les plus sélects diffusent quand même des parfums) et les coins câlins garnis d'un vinyle antitache qui râpe les peaux sensibles.
Les clubs s'adressent essentiellement aux consuméristes ou à ceux qui veulent découvrir ce petit monde interlope mais de nombreux libertins ne fréquentent jamais les clubs préférant les soirées privées en petit comité à deux, trois ou quatre couples qui permettent de mieux se découvrir et de passer des soirées plus conviviales.

LE club libertin reste certainement encore à inventer. Pour une découverte, les chandelles est le plus agréable car la sélection est stricte et vous ne risquez pas de croiser des vieux messieurs accompagnées de jeunes femmes vénales mais pour une véritable découverte du libertinage, nous ne pouvons qu'inviter débutants et confirmés à vivre les expériences en cercle privé, entre sybarites de bon aloi.

vendredi 2 septembre 2011

Drague et Séduction, l'habit fait le moine...


Nous en avions un peu parlé dans un article précédent, mais cela mérite d'aller plus loin. En réalité, drague et séduction ne sont qu'un découpage assez simpliste de la réalité. La drague étant souvent perçu comme péjorative alors que la séduction est perçue comme positive.

Du côté du sujet, la vraie distinction est à regarder du côté de la compulsion. Etre un (e) séducteur (séductrice) ou un (e) dragueur (dragueuse) compulsif est comme toutes les compulsions une forme de souffrance, tant pour le séducteur que pour la victime qui peut avoir l'impression de s'être sentie piégée.

Dans le petit monde interlope où nous voyageons, la perception n'est pas toujours évidente au premier abord car la sexualité reste centrale et peut troubler la distinction que l'on peut faire celui qui est ou non compulsif.

Là encore, il faudrait encore distinguer les femmes des hommes par rapport à leur désir, la "drague" ou la séduction compulsive touche majoritairement les hommes, elle provient souvent d'une recherche de l'amour impossible du petit enfant avec sa mère castratrice (qui lui refuse cet amour). En vertu de la distinction des sexes, le petit garçon ne se trouve pas en égalité face à la petite fille qui a un premier objet exogène (le père) à conquérir. Il y a donc un risque de fusion et donc d'angoisse chez l'homme qui n'existe pas chez la femme. Cette angoisse se manifestant souvent par l'insatisfaction des séducteurs compulsifs qui ressentent de l'angoisse à faire durer une relation ou n'arrivent pas à se stabiliser affectivement.

La séduction compulsive peut aussi provenir aussi de traumatismes plus graves comme des attouchements ou des viols (imaginaires ou réels d'ailleurs).

Mais vous allez nous dire, quel importance dans le libertinage puisque les relations ne sont pas faites pour durer.

Nous répondrons oui et non. Les libertins d'aujourd'hui ne sont pas tous à proprement parler des consommateurs de chairs fraîches, et en ce qui concerne les aspects sulfureux, depuis Mai 68, on ne peut pas vraiment dire que l'amour libre soit choquant.

Il y a beaucoup de séduction dans le libertinage, les femmes comme les hommes cherchent à paraître les plus beaux possibles, les plus avenants; tant physiquement que intellectuellement, mais ils cherchent aussi à éviter autant que possible les liens affectifs (voir notre article sur la jalousie). Pas tous heureusement, car un lien affectif ne signifie pas nécessairement l'amour; l'amitié est aussi un lien affectif après tout.

Alors les libertins sont-ils des compulsifs ? Notre expérience actuelle nous a plutôt montrer que la nature est assez bien équilibré. Les clubs sont quand même majoritairement rempli de compulsifs, alors que les soirées privées à 2 ou 3 couples le sont moins. Mais il est assez difficile de trancher. Comme avec les séducteurs compulsifs, seul le temps peut aider à distinguer une population d'une autre.

Et lorsqu'on est plus sensible à l'abandon total qu'au fantasme, y compris dans les bras d'un ou d'une inconnue, seul le temps de la confiance, comme l'histoire du fût du canon met un certain temps à refroidir, seul le temps qui passe permet de réellement être en confiance et d'être brûlant d'un désir sans ombrage.

Melancholia


Petite parenthèse dans nos réflexions sur le libertinage pour parler du film Melancholia que nous avons vu hier soir. Nous ne nous attendions pas du tout à cela, les critiques comme toujours ayant omis de nous signaler le sens profond du film.
C'est un film bouleversant construit en trois parties, une introduction sous forme de fantasme, une première partie qui fait penser à Festen dans la forme et qui décrit assez fidèlement une mariée en plein trouble psychologique et une troisième partie bouleversante sur une tentative de réconciliation impossible entre deux pôles.
Ce film magnifique est une allégorie du trouble bipolaire. Il est rempli de signes qui indiquent qu'il ne s'agit nullement de la vie d'une petite famille vivant ses derniers jours avant l'apocalypse mais bien d'un discours intérieur. Deux planètes qui jouent à la danse de la mort jusqu'à se percuter, deux soeurs, l'une solaire, l'autre lunaire. Rien n'est réel dans le film, comme ce trou 19 sur un parcours de Golf, la neige qui tombe au printemps ou ce cheval battu qui renvoie à la crise de mélancolie de Nietzsche et qui refuse de traverser le pont, la force de la nature refusant de faire le pont entre les deux mondes.
On ne peut que rater le sens du film si l'on a pas la bipolarité en tête; comment comprendre sinon cette mariée qui s'offre à un inconnu ou prend un bain le jour de son mariage. Même la mère castratrice et le père fuyant y sont représentés comme la musique de Tristan et Isolde en boucle, qui nous renvoie à la chronique d'un amour impossible.
Mais le film ne peut se laisser uniquement enfermer dans une simple allégorie. La beauté formelle dont il fait preuve, l'émotion à fleur de peau qu'il arrive à décrire, la justesse des sentiments, les images incroyables sur fond musical Wagnérien qui viennent nous troubler jusqu'au tréfond de notre âme suffisent déjà nous laisser cette impression de vivre une expérience extatique.
Quel plaisir de vivre autant d'émotions...