A
toi mon ami qui fus mon confident, mon double, mon frère, à toi que
j'ai rencontré un jour de septembre à côté de la Sorbonne où
nous avons fait nos classes ensemble, refait le monde, découvert
Schopenhauer, Nietzche, Klima, Thomas Bernhardt, toi qui tu me
suivais dans mes aventures théâtrales, toi qui fus le témoin de
ces vingt dernières années, témoin de mon mariage, parrain de mon
fils, à toi qui étais sans frontière humaine, sans frontière
intellectuelle, ouvert sur les autres, ouvert sur le monde, toi,
l'humaniste qui semblait avoir tout lu, tout vu et qui vivait comme
Cioran, toi qui savais écouter sans juger, parler avec ton cœur,
parler simplement, toi qui ne laisse aucune œuvre mais qui a
transformé tant de vie, toi le socrate, toi le diogène, toi qui de
la philosophie à l’ostéopathie, de l'alchimie à l'ufologie, du
cinéma à la littérature était un monstre sacré, un être rare et
subtil, un homme qui donne sans compter, fidèle en amitié, fidèle
et passionné, toujours souriant malgré l'adversité, toujours
brillant, professeur rollin ayant toujours quelque chose à dire,
foutraque, brillant, incroyablement intelligent et pourtant jamais
pédant, toujours prêt à expliquer, à montrer que le monde est
riche, complexe mais aussi simple et évident à vivre si l'on suit
son instinct, toi qui ne perdais jamais l'occasion d'être
enthousiaste, de voir la beauté dans l'horreur, dans l'enfer, toi
dont nos souvenirs communs sont plein d'éclats de rires, de folie et
de réflexions extravagantes ou subtiles, toi mon ami, mon frère qui
est mort ce week-end, toi qui me laisse orphelin, qui me laisse avec
une tristesse infinie au fond de mon cœur. A toi mon ami, mon frère,
je te souhaite un bon voyage dans l'au-delà et pour la messe, bah
j'irai me saouler.
Je lis et relis ce texte à votre ami et je m'imagine, comme vous, devoir écrire quelque chose au sujet du mien, d'un proche, de quelqu'un que j'aime… Saurais-je le faire aussi bien que vous ? Je me permettrai, j'en suis sur, de me rappeler les vôtres : simples et beaux, choisis par votre cœur. Votre tristesse est aujourd'hui la mienne et comme vous, j'irai boire.
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