Now you say you need me
Why don't you prove you do..
Come on and,cry me a river
Cry me a river
I cried a river over you
Now you say you're sorry
For being so untrue
Come on and, cry me a river
Cry me a river
I cried a river over you
You drove me,
Nearly drove me out of my head
While you never shed a tear
Remember?
I remember every word you say
Told me love was too plebeian
Told me you were through with me
And,now you say you love me
Why don't you prove you do
Come on and,cry me a river
Cry me a river
I cried a river over you
You drove me
Nearly drove me out of my head
While you never shed a tear
Remember?
I remember every word you say
Told me love was too plebeian
Told me you were through with me...
And now you say you love me
Why don't you prove you do.
You can..
Cry me a river...
Cry me a river...
I cried a river over you
I cried a river over you...
I cried a river over you...
mercredi 26 octobre 2011
dimanche 23 octobre 2011
Clair comme de l'eau trouble....
Abordons aujourd'hui un nouveau sujet, celui de la transparence et au passage la question de l'adultère, du libertinage et de l'échangisme (ceux qui nous lisent ont fini par comprendre qu'il y avait une réelle différence entre les deux concepts) au regard du désir et de ses lois, et donc de l'éthique, de la morale et des tabous.
Epargnons nous immédiatement les discussions sans fin sur la différence entre ces trois mots, le libertinage pouvant simplement se définir par une attitude affranchi vis à vis des moeurs contemporaines (il s'agit donc d'une idéologie), l'adultère étant l'acte d'avoir des relations avec un autre que son conjoint ou sa conjointe (il s'agit donc d'un acte, l'acte de violation du devoir de fidélité), et l'échangisme, l'acte d'échanger de partenaires (avec des variantes, mélangisme, 2+2, etc.)
On comprend tout de suite qu'un acte peut en recouvrir un autre, recouvrir l'idéologie, etc. Il ne sert donc à rien de chercher à enfermer un sujet dans l'une ou l'autre pratique ou idéologie puisque toutes ces acceptions peuvent se croiser en fonction de chacun ou chacune.
La seule vraie question à se poser est bien plutôt du côté du désir et de la loi. Qu'est-ce qui pousse ou pas certains et certaines à franchir des frontières ou à ne pas les franchir, ou même à brandir certaines limites comme des défenses.
Les lois et les désirs sont comme des gants retournés, ou des pièces de monnaie, la tranche servant justement à marquer la frontière entre l'interdit et la jouissance. Lacan disait que la loi morale n'est rien d'autre que le désir à l'état pur, que les tables de la loi de Moïse ne sont finalement que les tables du désir.
Ainsi quand la loi morale parle de fidélité, rien n'est plus fort comme désir que de désirer l'infidélité ; quand la loi morale nous convie à ne pas convoiter l'autre, l'autre devient ainsi un objet de jouissance. Contrairement à l'éthique qui a pour fonction de définir ce qui est bon ou mauvais, et introduit nécessairement la bienveillance et le respect ; la morale, en fixant ce qui est bien ou mal, définie les lois du désir.
Il n'est donc pas étonnant de sentir chez les couples dit normatifs comme chez les couples dit libertins tout un fatras de règles et de désirs qui s'entremêlent et qui forment un cortex apparemment incompréhensible mais qui en réalité tient lieu de peau. Une peau qui fait frontière, affleurement sensuel ou carapace de protection.
A titre d'exemple, la première fois que notre couple a découvert le monde interlope des clubs échangistes, je me souviens très bien l'étrangeté du sentiment paradoxal qui m'avait saisi lorsque ma femme s'était retrouvée dans les bras d'un autre. Le fait qu'un autre homme la pénètre était à la fois source d'angoisse et jouissance, j'avais éjaculé sans pouvoir me retenir, moi qui habituellement suis plutôt dans le contrôle. Au point de bouleverser profondément et durablement ma vision du couple.
En quoi un couple est-il un couple ? Ce n'est certes pas la fidélité, l'échangisme ou autre pratique ou règle ou refus de ces pratiques qui fonde notre lien profond à un autre. La transparence est un leurre fusionnel mais l'infidélité ou le mensonge dans le couple n'est pas non plus le lieu du désastre. En réalité, chaque couple se forge selon les lois du désir et ainsi donc aucun couple ne se ressemble.
J'ai vu des couples qui explosaient à cause du libertinage, j'ai vu des couples qui explosaient à cause de l'adultère, mais j'ai vu bien plus de couples encore qui explosaient à cause de l'absence du désir. Des couples qui n'arrivaient plus à retrouver le moteur essentiel et dont les frustrations sans fin les enfermaient sans faim entre eux au point de les faire dépérir.
Quand le mariage d'inclinaison n'existait pas s'est développé l'amour courtois. Quand le mariage d'amour est devenu la règle s'est développé l'échangisme tel que nous le connaissons aujourd'hui. Chaque règle renvoie toujours à la face cachée de la lune, car le désir s'étend comme une toile sur le monde. Et nous ne sommes que des mouches piégées dans cette toile.
lundi 17 octobre 2011
1894
Que valent réellement nos concepts de propriété ? Quelle intentionalité se cache derrière nos sentiments de jalousie et d'envie ?
Voici la déclaration du chef Seattle, en réponse au président Cleveland qui proposait, au nom des Etats-Unis d'Amérique, d'acheter les dernières terres du peuple indien en 1894. Je vous laisse faire la transposition à l'amour libre.
" Comment peut-on vendre ou acheter le ciel, la chaleur de la terre ? Cela nous semble étrange. Si la fraîcheur de l'air et le murmure de l'eau ne nous appartient pas, comment peut-on les vendre ? "
" Pour mon peuple, il n'y a pas un coin de cette terre qui ne soit sacré. Une aiguille de pin qui scintille, un rivage sablonneux, une brume légère, tout est saint aux yeux et dans la mémoire de ceux de mon peuple. La sève qui monte dans l'arbre porte en elle la mémoire des Peaux-Rouges. Les morts des Blancs oublient leur pays natal quand ils s'en vont dans les étoiles. Nos morts n'oublient jamais cette terre si belle, puisque c'est la mère du Peau-Rouge. Nous faisons partie de la terre et elle fait partie de nous. Les fleurs qui sentent si bon sont nos sœurs, les cerfs, les chevaux, les grands aigles sont nos frères ; les crêtes rocailleuses, l'humidité des Prairies, la chaleur du corps des poneys et l'homme appartiennent à la même famille. Ainsi, quand le grand chef blanc de Washington me fait dire qu'il veut acheter notre terre, il nous demande beaucoup... "
" Les rivières sont nos sœurs, elles étanchent notre soif ; ces rivières portent nos canoës et nourrissent nos enfants. Si nous vous vendons notre terre, vous devez vous rappeler tout cela et apprendre à vos enfants que les rivières sont nos sœurs et les vôtres et que, par conséquent, vous devez les traiter avec le même amour que celui donné à vos frères. Nous savons bien que l'homme blanc ne comprend pas notre façon de voir. Un coin de terre, pour lui, en vaut un autre puisqu'il est un étranger qui arrive dans la nuit et tire de la terre ce dont il a besoin. La terre n'est pas sa sœur, mais son ennemie ; après tout cela, il s'en va. Il laisse la tombe de son père derrière lui et cela lui est égal ! En quelque sorte, il prive ses enfants de la terre et cela lui est égal. La tombe de son père et les droits de ses enfants sont oubliés. Il traite sa mère, la terre, et son père, le ciel, comme des choses qu'on peut acheter, piller et vendre comme des moutons ou des perles colorées. Son appétit va dévorer la terre et ne laisser qu'un désert... "
" L'air est précieux pour le Peau-Rouge car toutes les choses respirent de la même manière. La bête, l'arbre, l'homme, tous respirent de la même manière. L'homme blanc ne semble pas faire attention à l'air qui respire. Comme un mourant, il ne reconnaît plus les odeurs. Mais, si nous vous vendons notre terre, vous devez vous rappeler que l'air nous est infiniment précieux et que l'Esprit de l'air est le même dans toutes les choses qui vivent. Le vent qui a donné à notre ancêtre son premier souffle reçoit aussi son dernier regard. Et si nous vendons notre terre, vous devez la garder intacte et sacrée comme un lieu où même l'homme peut aller percevoir le goût du vent et la douceur d'une prairie en fleur... "
" Je suis un sauvage et je ne comprends pas une autre façon de vivre. J'ai vu des milliers de bisons qui pourrissaient dans la prairie, laissés là par l'homme blanc qui les avait tués d'un train qui passait. Je suis un sauvage et je ne comprends pas comment ce cheval de fer qui fume peut-être plus important que le bison que nous ne tuons que pour les besoins de notre vie. Qu'est-ce que l'homme sans les bêtes ? Si toutes les bêtes avaient disparu, l'homme mourrait complètement solitaire, car ce qui arrive aux bêtes bientôt arrive à l'homme. Toutes les choses sont reliées entre elles. "
" Vous devez apprendre à vos enfants que la terre sous leurs pieds n'est autre que la cendre de nos ancêtres. Ainsi, ils respecteront la terre. Dites-leur aussi que la terre est riche de la vie de nos proches. Apprenez à vos enfants ce que nous avons appris aux nôtres : que la terre est notre mère et que tout ce qui arrive à la terre arrive aux enfants de la terre. Si les hommes crachent sur la terre, c'est sur eux-mêmes qu'ils crachent. Ceci nous le savons : la terre n'appartient pas à l'homme, c'est l'homme qui appartient à la terre. Ceci nous le savons : toutes les choses sont reliées entre elles comme le sang est le lien entre les membres d'une même famille. Toutes les choses sont reliées entre elles... "
" Mais, pendant que nous périssons, vous allez briller, illuminés par la force de Dieu qui vous a conduits sur cette terre et qui, dans un but spécial, vous a permis de dominer le Peau-Rouge. Cette destinée est mystérieuse pour nous. Nous ne comprenons pas pourquoi les bisons sont tous massacrés, pourquoi les chevaux sauvages sont domestiqués, ni pourquoi les lieux les plus secrets des forêts sont lourds de l'odeur des hommes, ni pourquoi encore la vue des belles collines est gardée par les fils qui parlent. Que sont devenus les fourrés profonds ? Ils ont disparu. Qu'est devenu le grand aigle ? Il a disparu aussi. C'est la fin de la vie et le commencement de la survivance. "
Voici la déclaration du chef Seattle, en réponse au président Cleveland qui proposait, au nom des Etats-Unis d'Amérique, d'acheter les dernières terres du peuple indien en 1894. Je vous laisse faire la transposition à l'amour libre.
" Comment peut-on vendre ou acheter le ciel, la chaleur de la terre ? Cela nous semble étrange. Si la fraîcheur de l'air et le murmure de l'eau ne nous appartient pas, comment peut-on les vendre ? "
" Pour mon peuple, il n'y a pas un coin de cette terre qui ne soit sacré. Une aiguille de pin qui scintille, un rivage sablonneux, une brume légère, tout est saint aux yeux et dans la mémoire de ceux de mon peuple. La sève qui monte dans l'arbre porte en elle la mémoire des Peaux-Rouges. Les morts des Blancs oublient leur pays natal quand ils s'en vont dans les étoiles. Nos morts n'oublient jamais cette terre si belle, puisque c'est la mère du Peau-Rouge. Nous faisons partie de la terre et elle fait partie de nous. Les fleurs qui sentent si bon sont nos sœurs, les cerfs, les chevaux, les grands aigles sont nos frères ; les crêtes rocailleuses, l'humidité des Prairies, la chaleur du corps des poneys et l'homme appartiennent à la même famille. Ainsi, quand le grand chef blanc de Washington me fait dire qu'il veut acheter notre terre, il nous demande beaucoup... "
" Les rivières sont nos sœurs, elles étanchent notre soif ; ces rivières portent nos canoës et nourrissent nos enfants. Si nous vous vendons notre terre, vous devez vous rappeler tout cela et apprendre à vos enfants que les rivières sont nos sœurs et les vôtres et que, par conséquent, vous devez les traiter avec le même amour que celui donné à vos frères. Nous savons bien que l'homme blanc ne comprend pas notre façon de voir. Un coin de terre, pour lui, en vaut un autre puisqu'il est un étranger qui arrive dans la nuit et tire de la terre ce dont il a besoin. La terre n'est pas sa sœur, mais son ennemie ; après tout cela, il s'en va. Il laisse la tombe de son père derrière lui et cela lui est égal ! En quelque sorte, il prive ses enfants de la terre et cela lui est égal. La tombe de son père et les droits de ses enfants sont oubliés. Il traite sa mère, la terre, et son père, le ciel, comme des choses qu'on peut acheter, piller et vendre comme des moutons ou des perles colorées. Son appétit va dévorer la terre et ne laisser qu'un désert... "
" L'air est précieux pour le Peau-Rouge car toutes les choses respirent de la même manière. La bête, l'arbre, l'homme, tous respirent de la même manière. L'homme blanc ne semble pas faire attention à l'air qui respire. Comme un mourant, il ne reconnaît plus les odeurs. Mais, si nous vous vendons notre terre, vous devez vous rappeler que l'air nous est infiniment précieux et que l'Esprit de l'air est le même dans toutes les choses qui vivent. Le vent qui a donné à notre ancêtre son premier souffle reçoit aussi son dernier regard. Et si nous vendons notre terre, vous devez la garder intacte et sacrée comme un lieu où même l'homme peut aller percevoir le goût du vent et la douceur d'une prairie en fleur... "
" Je suis un sauvage et je ne comprends pas une autre façon de vivre. J'ai vu des milliers de bisons qui pourrissaient dans la prairie, laissés là par l'homme blanc qui les avait tués d'un train qui passait. Je suis un sauvage et je ne comprends pas comment ce cheval de fer qui fume peut-être plus important que le bison que nous ne tuons que pour les besoins de notre vie. Qu'est-ce que l'homme sans les bêtes ? Si toutes les bêtes avaient disparu, l'homme mourrait complètement solitaire, car ce qui arrive aux bêtes bientôt arrive à l'homme. Toutes les choses sont reliées entre elles. "
" Vous devez apprendre à vos enfants que la terre sous leurs pieds n'est autre que la cendre de nos ancêtres. Ainsi, ils respecteront la terre. Dites-leur aussi que la terre est riche de la vie de nos proches. Apprenez à vos enfants ce que nous avons appris aux nôtres : que la terre est notre mère et que tout ce qui arrive à la terre arrive aux enfants de la terre. Si les hommes crachent sur la terre, c'est sur eux-mêmes qu'ils crachent. Ceci nous le savons : la terre n'appartient pas à l'homme, c'est l'homme qui appartient à la terre. Ceci nous le savons : toutes les choses sont reliées entre elles comme le sang est le lien entre les membres d'une même famille. Toutes les choses sont reliées entre elles... "
" Mais, pendant que nous périssons, vous allez briller, illuminés par la force de Dieu qui vous a conduits sur cette terre et qui, dans un but spécial, vous a permis de dominer le Peau-Rouge. Cette destinée est mystérieuse pour nous. Nous ne comprenons pas pourquoi les bisons sont tous massacrés, pourquoi les chevaux sauvages sont domestiqués, ni pourquoi les lieux les plus secrets des forêts sont lourds de l'odeur des hommes, ni pourquoi encore la vue des belles collines est gardée par les fils qui parlent. Que sont devenus les fourrés profonds ? Ils ont disparu. Qu'est devenu le grand aigle ? Il a disparu aussi. C'est la fin de la vie et le commencement de la survivance. "
vendredi 14 octobre 2011
Cachez ce pourquoi que je ne saurais voir...
Il y a un sujet que je n'ai pas abordé et qui me tient à cœur depuis bien longtemps et qui mérite d'être traité dans ce petit blog. Je ne pense pas, mais comme tous les autres sujets abordés ici, détenir la vérité, mais au moins en posant la question, elle fera quelques pousses en vous et viendra me faire retour par vos réactions.
Ce sujet, c'est la question du pourquoi et non du comment. Il est assez facile de décrire finalement tous les comment du libertinages, les "commentaires" sont d'ailleurs sans fin, mais le pourquoi, la cause du libertinage, est une question ardue qui ne se laisse pas réduire facilement. J'y pense depuis un moment car ce pouquoi est indispensable pour comprendre ce que nous voulons y investir comme part d'âme et de raison.
Il est assez convenu finalement de s'arrêter à l'explication d'un envers de mœurs. Si cela pouvait être vrai au 18eme siècle ou avant, quand on opposait le mariage d'inclination au mariage par contrat, cela n'est plus réellement possible aujourd'hui. La liberté sexuelle s'est diffusée dans toutes les couches de la société occidentale, y compris chez les moins orthodoxes et notre rapport à la chose du sexe comme on le disait il y a cinquante ans n'est plus recouvert de tabou ou d'interdit. Le retour et le recours à certains discours puritains en donne le ton par ailleurs; le désir d'un retour en arrière est bien le signe que nous sommes passés devant.
Il est encore plus convenu et à mon avis stupide de faire comme certains le pensent le raccourci entre libertinage et liberté. Rares sont les exceptions comme Diderot ou Philippe d'Orléans, le reste se résume plutôt soit à une forme de perversion (Marquis de Sade), soit à des moralistes (Laclos) ou soit à des utopistes (Fourrier, Meslier). Et ces derniers étaient plus que sages dans leur sexualité.
C'est donc du côté du l'imaginaire que j'ai commencé à observer le libertinage et l'échangisme. En prenant l'hypothèse que le désir de libertinage est un scénario mental. Un moyen d'avoir un rapport sexuel sans avoir de relation à l'autre et là, bingo, on commence à dérouler tout le bon vieux bagage analytique qui nous permet du coup de comprendre combien le libertinage contemporain est bien plus proche d'un rapport fantasmé que d'un désir de liberté, de dépassement de codes moraux et autre fadaises que l'on peut entendre ou même s'entendre dire soi-même.
Je m'explique.
Nous ne sommes pas des animaux, notre instinct n'est pas ce qui guide notre sexualité, pas seulement en tout cas. Et une relation sexuelle n'est pas un rapport réel à l'autre. On peut faire l'amour et se sentir seul. On peut d'ailleurs aussi vivre à deux et se sentir seul ! Mais au delà des pulsions sexuelles que nous pouvons avoir, la réponse culturelle est très forte chez l'humain. Nous choisissons aussi nos partenaires parce qu'ils répondent en partie à notre bagage culturel.
C'est en partant de ce constat que j'ai commencé à regarder un peu comment les libertins se présentaient sur les sites internet. La présentation a ceci de particulier qu'en quelques phrases et photos, c'est justement tout une coloration de l'imaginaire qui se décline.
Les corps sont souvent morcelés, les poses explicites, les regards rares. C'est une société du spectacle qui se met en scène, tant par l'image que par des textes relativement pauvres où l'on retrouve très régulièrement des expressions comme «pas de prise de tête », ou des mots creux comme « glamour », « raffinement », « charme » qui sont d'une relativité absolue car en forte teneur de subjectivité.
Royaume du spectacle, royaume du morcellement, royaume d'une gouvernance du pathos qui se cache dans les limbes d'un semblant de liberté où les signifiants maîtres sont ceux d'un jeunisme imaginaire qui se voile d'une pudibonderie, l'obscène servant souvent de voile au sujet, un sexe, une pose cachant le sujet sous des oripeaux pour ne pas révéler la petite formule dérisoire d'un fantasme somme toute fort banal.
L'on pourrait croire aussi, et j'y ai cru pendant longtemps, qu'il y avait une forme de consumérisme libertin, mais si l'on regarde cela sous l'angle du petit trucage du fantasme, il est plus clair qu'il s'agit en réalité d'une absence de rapport, l'aveu implicite que c'est un relation qui rate, une défaillance devant l'énigme que représente l'autre dans son altérité ; et la peur de se confronter réellement à cette altérité en préférant un petit voyage touristique sans conséquence plutôt qu'une relation. On va se promener autour d'un autre couple, d'une autre femme et puis l'on revient chez soi, content, l'esprit libéré de notre petit cinéma interne que l'on a projeté un instant, comme pour dire j'y étais ; comme ces photos de voyage où l'on est sourire béant dos à un bâtiment pour dire qu'on y était. Et on y était, de dos. Mais dos à l'histoire, dos à l'autre, sans le voir dans sa réalité.
Pourquoi le libertinage, voilà une question qui ne peut faire l'économie de l'histoire des mœurs. Il faudrait prendre une telle étude et repérer pour chaque époque tous les trous qui déchirent le tissu du désir pour comprendre en quoi certaines pratiques sont acceptées et certaines rejetés comme des déchets qui se recyclent en fantasme.
Mais surtout ce pourquoi doit nous interroger sur notre pratique, sur notre rapport à l'autre, ce que nous en attendons, ce que nous sommes prêt à donner, ce que nous sommes réellement prêt à échanger, car à rester uniquement dans le royaume du spectacle, nous nous condamnons nous-mêmes à finir comme un touriste qui visite tous les pays du monde sans être transformé par ses voyages, nous nous condamnons à la pauvreté et la misère de notre propre désir, devenu incapable de se renouveler au contact de l'autre, perdu dans la recherche d'une meilleure rencontre, d'un meilleur pays, d'une terre où l'herbe serait plus verte quand juste à côté de nous, le plus grand des mystère, la plus belle découverte nous tend la main à condition que nous acceptions de la regarder.
Ce sujet, c'est la question du pourquoi et non du comment. Il est assez facile de décrire finalement tous les comment du libertinages, les "commentaires" sont d'ailleurs sans fin, mais le pourquoi, la cause du libertinage, est une question ardue qui ne se laisse pas réduire facilement. J'y pense depuis un moment car ce pouquoi est indispensable pour comprendre ce que nous voulons y investir comme part d'âme et de raison.
Il est assez convenu finalement de s'arrêter à l'explication d'un envers de mœurs. Si cela pouvait être vrai au 18eme siècle ou avant, quand on opposait le mariage d'inclination au mariage par contrat, cela n'est plus réellement possible aujourd'hui. La liberté sexuelle s'est diffusée dans toutes les couches de la société occidentale, y compris chez les moins orthodoxes et notre rapport à la chose du sexe comme on le disait il y a cinquante ans n'est plus recouvert de tabou ou d'interdit. Le retour et le recours à certains discours puritains en donne le ton par ailleurs; le désir d'un retour en arrière est bien le signe que nous sommes passés devant.
Il est encore plus convenu et à mon avis stupide de faire comme certains le pensent le raccourci entre libertinage et liberté. Rares sont les exceptions comme Diderot ou Philippe d'Orléans, le reste se résume plutôt soit à une forme de perversion (Marquis de Sade), soit à des moralistes (Laclos) ou soit à des utopistes (Fourrier, Meslier). Et ces derniers étaient plus que sages dans leur sexualité.
C'est donc du côté du l'imaginaire que j'ai commencé à observer le libertinage et l'échangisme. En prenant l'hypothèse que le désir de libertinage est un scénario mental. Un moyen d'avoir un rapport sexuel sans avoir de relation à l'autre et là, bingo, on commence à dérouler tout le bon vieux bagage analytique qui nous permet du coup de comprendre combien le libertinage contemporain est bien plus proche d'un rapport fantasmé que d'un désir de liberté, de dépassement de codes moraux et autre fadaises que l'on peut entendre ou même s'entendre dire soi-même.
Je m'explique.
Nous ne sommes pas des animaux, notre instinct n'est pas ce qui guide notre sexualité, pas seulement en tout cas. Et une relation sexuelle n'est pas un rapport réel à l'autre. On peut faire l'amour et se sentir seul. On peut d'ailleurs aussi vivre à deux et se sentir seul ! Mais au delà des pulsions sexuelles que nous pouvons avoir, la réponse culturelle est très forte chez l'humain. Nous choisissons aussi nos partenaires parce qu'ils répondent en partie à notre bagage culturel.
C'est en partant de ce constat que j'ai commencé à regarder un peu comment les libertins se présentaient sur les sites internet. La présentation a ceci de particulier qu'en quelques phrases et photos, c'est justement tout une coloration de l'imaginaire qui se décline.
Les corps sont souvent morcelés, les poses explicites, les regards rares. C'est une société du spectacle qui se met en scène, tant par l'image que par des textes relativement pauvres où l'on retrouve très régulièrement des expressions comme «pas de prise de tête », ou des mots creux comme « glamour », « raffinement », « charme » qui sont d'une relativité absolue car en forte teneur de subjectivité.
Royaume du spectacle, royaume du morcellement, royaume d'une gouvernance du pathos qui se cache dans les limbes d'un semblant de liberté où les signifiants maîtres sont ceux d'un jeunisme imaginaire qui se voile d'une pudibonderie, l'obscène servant souvent de voile au sujet, un sexe, une pose cachant le sujet sous des oripeaux pour ne pas révéler la petite formule dérisoire d'un fantasme somme toute fort banal.
L'on pourrait croire aussi, et j'y ai cru pendant longtemps, qu'il y avait une forme de consumérisme libertin, mais si l'on regarde cela sous l'angle du petit trucage du fantasme, il est plus clair qu'il s'agit en réalité d'une absence de rapport, l'aveu implicite que c'est un relation qui rate, une défaillance devant l'énigme que représente l'autre dans son altérité ; et la peur de se confronter réellement à cette altérité en préférant un petit voyage touristique sans conséquence plutôt qu'une relation. On va se promener autour d'un autre couple, d'une autre femme et puis l'on revient chez soi, content, l'esprit libéré de notre petit cinéma interne que l'on a projeté un instant, comme pour dire j'y étais ; comme ces photos de voyage où l'on est sourire béant dos à un bâtiment pour dire qu'on y était. Et on y était, de dos. Mais dos à l'histoire, dos à l'autre, sans le voir dans sa réalité.
Pourquoi le libertinage, voilà une question qui ne peut faire l'économie de l'histoire des mœurs. Il faudrait prendre une telle étude et repérer pour chaque époque tous les trous qui déchirent le tissu du désir pour comprendre en quoi certaines pratiques sont acceptées et certaines rejetés comme des déchets qui se recyclent en fantasme.
Mais surtout ce pourquoi doit nous interroger sur notre pratique, sur notre rapport à l'autre, ce que nous en attendons, ce que nous sommes prêt à donner, ce que nous sommes réellement prêt à échanger, car à rester uniquement dans le royaume du spectacle, nous nous condamnons nous-mêmes à finir comme un touriste qui visite tous les pays du monde sans être transformé par ses voyages, nous nous condamnons à la pauvreté et la misère de notre propre désir, devenu incapable de se renouveler au contact de l'autre, perdu dans la recherche d'une meilleure rencontre, d'un meilleur pays, d'une terre où l'herbe serait plus verte quand juste à côté de nous, le plus grand des mystère, la plus belle découverte nous tend la main à condition que nous acceptions de la regarder.
Pensée du jour
"Je ne veux rêver qu'à ce qui est impossible, faux et absurde, et par là rejoindre la vérité qui est une putain à trois utérus d'où vient le père, principe du pouvoir qui écrase, le fils, principe du martyre qui étouffe et le saint esprit, principe de l'amour qui étrangle."
jeudi 6 octobre 2011
Steve Jobs, rip
On peut être fan ou non de Apple ou de Pixar, il n'en reste pas moins que Steve Jobs fut un personnage marquant de notre siècle. Libertaire à sa façon, intuitif, créatif, il a démocratisé le digital au point de changer complètement notre approche de la technologie, la rendant ardemment désirable. Cet enfant du siècle dirigeait ses entreprises comme au siècle dernier, insufflant son esprit jusque dans des détails superflus; ainsi dans sa biographie éditée aux éditions S.leduc, les 4 vies de Steve Jobs, on apprend qu'il voulait que les premiers macintosh soient aussi beaux à l'intérieur qu'à l'extérieur, ce qui était une aberration technique mais démontrait son sens aiguë de l'esthétique et son jusqu'au-boutiste.
Mais c'est le discours de Stanford que je voulais vous retransmettre ici. Le discours d'un homme dont la passion, la curiosité et l'élan vital l'a poussé à briser des dogmes. Paix à son âme et espérons que d'autres figures aussi libres continuent de inspirer comme il a su le faire : "Se souvenir que la mort viendra un jour est la meilleure façon d’éviter le piège qui consiste à croire que l’on a quelque chose à perdre. On est déjà nu. Il n’y a aucune raison de ne pas suivre son cœur."
Bonne lecture !
« C’est un honneur de me trouver parmi vous aujourd’hui et d’assister à une remise de diplômes dans une des universités les plus prestigieuses du monde. Je n’ai jamais terminé mes études supérieures. A dire vrai, je n’ai même jamais été témoin d’une remise de diplômes dans une université. Je veux vous faire partager aujourd’hui trois expériences qui ont marqué ma carrière. C’est tout. Rien d’extraordinaire. Juste trois expériences.
« Pourquoi j’ai eu raison de laisser tomber l’université »
La première concerne les incidences imprévues. J’ai abandonné mes études au Reed College au bout de six mois, mais j’y suis resté auditeur libre pendant dix-huit mois avant de laisser tomber définitivement. Pourquoi n’ai-je pas poursuivi ?
Tout a commencé avant ma naissance. Ma mère biologique était une jeune étudiante célibataire, et elle avait choisi de me confier à des parents adoptifs. Elle tenait à me voir entrer dans une famille de diplômés universitaires, et tout avait été prévu pour que je sois adopté dès ma naissance par un avocat et son épouse. Sauf que, lorsque je fis mon apparition, ils décidèrent au dernier moment qu’ils préféraient avoir une fille. Mes parents, qui étaient sur une liste d’attente, reçurent un coup de téléphone au milieu de la nuit : « Nous avons un petit garçon qui n’était pas prévu. Le voulez-vous ? » Ils répondirent : « Bien sûr. » Ma mère biologique découvrit alors que ma mère adoptive n’avait jamais eu le moindre diplôme universitaire, et que mon père n’avait jamais terminé ses études secondaires. Elle refusa de signer les documents définitifs d’adoption et ne s’y résolut que quelques mois plus tard, quand mes parents lui promirent que j’irais à l’université.
Dix-sept ans plus tard, j’entrais donc à l’université. Mais j’avais naïvement choisi un établissement presque aussi cher que Stanford, et toutes les économies de mes parents servirent à payer mes frais de scolarité. Au bout de six mois, je n’en voyais toujours pas la justification. Je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire dans la vie et je n’imaginais pas comment l’université pouvait m’aider à trouver ma voie. J’étais là en train de dépenser tout cet argent que mes parents avaient épargné leur vie durant. Je décidai donc de laisser tomber. Une décision plutôt risquée, mais rétrospectivement c’est un des meilleurs choix que j’aie jamais faits. Dès le moment où je renonçais, j’abandonnais les matières obligatoires qui m’ennuyaient pour suivre les cours qui m’intéressaient.
Tout n’était pas rose. Je n’avais pas de chambre dans un foyer, je dormais à même le sol chez des amis. Je ramassais des bouteilles de Coca-Cola pour récupérer le dépôt de 5 cents et acheter de quoi manger, et tous les dimanches soir je faisais 10 kilomètres à pied pour traverser la ville et m’offrir un bon repas au temple de Hare Krishna. Un régal. Et ce que je découvris alors, guidé par ma curiosité et mon intuition, se révéla inestimable à l’avenir. Laissez-moi vous donner un exemple : le Reed College dispensait probablement alors le meilleur enseignement de la typographie de tout le pays. Dans le campus, chaque affiche, chaque étiquette sur chaque tiroir était parfaitement calligraphiée. Parce que je n’avais pas à suivre de cours obligatoires, je décidai de m’inscrire en classe de calligraphie. C’est ainsi que j’appris tout ce qui concernait l’empattement des caractères, les espaces entre les différents groupes de lettres, les détails qui font la beauté d’une typographie. C’était un art ancré dans le passé, une subtile esthétique qui échappait à la science. J’étais fasciné.
Rien de tout cela n’était censé avoir le moindre effet pratique dans ma vie. Pourtant, dix ans plus tard, alors que nous concevions le premier Macintosh, cet acquis me revint. Et nous l’incorporâmes dans le Mac. Ce fut le premier ordinateur doté d’une typographie élégante. Si je n’avais pas suivi ces cours à l’université, le Mac ne posséderait pas une telle variété de polices de caractères ni ces espacements proportionnels. Et comme Windows s’est borné à copier le Mac, il est probable qu’aucun ordinateur personnel n’en disposerait. Si je n’avais pas laissé tomber mes études à l’université, je n’aurais jamais appris la calligraphie, et les ordinateurs personnels n’auraient peut-être pas cette richesse de caractères. Naturellement, il était impossible de prévoir ces répercussions quand j’étais à l’université. Mais elles me sont apparues évidentes dix ans plus tard.
On ne peut prévoir l’incidence qu’auront certains événements dans le futur ; c’est après coup seulement qu’apparaissent les liens. Vous pouvez seulement espérer qu’ils joueront un rôle dans votre avenir. L’essentiel est de croire en quelque chose – votre destin, votre vie, votre karma, peu importe. Cette attitude a toujours marché pour moi, et elle a régi ma vie.
« Pourquoi mon départ forcé d’Apple fut salutaire »
Ma deuxième histoire concerne la passion et l’échec. J’ai eu la chance d’aimer très tôt ce que je faisais. J’avais 20 ans lorsque Woz [Steve Wozniak, le co-fondateur d’Apple N.D.L.R.] et moi avons créé Apple dans le garage de mes parents. Nous avons ensuite travaillé dur et, dix ans plus tard, Apple était une société de plus de 4 000 employés dont le chiffre d’affaires atteignait 2 milliards de dollars. Nous venions de lancer un an plus tôt notre plus belle création, le Macintosh, et je venais d’avoir 30 ans.
C’est alors que je fus viré. Comment peut-on vous virer d’une société que vous avez créée ? C’est bien simple, Apple ayant pris de l’importance, nous avons engagé quelqu’un qui me semblait avoir les compétences nécessaires pour diriger l’entreprise à mes côtés et, pendant la première année, tout se passa bien. Puis nos visions ont divergé, et nous nous sommes brouillés. Le conseil d’administration s’est rangé de son côté. C’est ainsi qu’à 30 ans je me suis retrouvé sur le pavé. Viré avec perte et fracas. La raison d’être de ma vie n’existait plus. J’étais en miettes.
Je restais plusieurs mois sans savoir quoi faire. J’avais l’impression d’avoir trahi la génération qui m’avait précédé – d’avoir laissé tomber le témoin au moment où on me le passait. C’était un échec public, et je songeais même à fuir la Silicon Valley. Puis j’ai peu à peu compris une chose – j’aimais toujours ce que je faisais. Ce qui m’était arrivé chez Apple n’y changeait rien. J’avais été éconduit, mais j’étais toujours amoureux. J’ai alors décidé de repartir de zéro.
Je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite, mais mon départ forcé d’Apple fut salutaire. Le poids du succès fit place à la légèreté du débutant, à une vision moins assurée des choses. Une liberté grâce à laquelle je connus l’une des périodes les plus créatives de ma vie.
Pendant les cinq années qui suivirent, j’ai créé une société appelée NeXT et une autre appelée Pixar, et je suis tombé amoureux d’une femme exceptionnelle qui est devenue mon épouse. Pixar, qui allait bientôt produire le premier film d’animation en trois dimensions, Toy Story , est aujourd’hui la première entreprise mondiale utilisant cette technique. Par un remarquable concours de circonstances, Apple a acheté NeXT, je suis retourné chez Apple, et la technologie que nous avions développée chez NeXT est aujourd’hui la clé de la renaissance d’Apple. Et Laurene et moi avons fondé une famille merveilleuse.
Tout cela ne serait pas arrivé si je n’avais pas été viré d’Apple. La potion fut horriblement amère, mais je suppose que le patient en avait besoin. Parfois, la vie vous flanque un bon coup sur la tête. Ne vous laissez pas abattre. Je suis convaincu que c’est mon amour pour ce que je faisais qui m’a permis de continuer. Il faut savoir découvrir ce que l’on aime et qui l’on aime. Le travail occupe une grande partie de l’existence, et la seule manière d’être pleinement satisfait est d’apprécier ce que l’on fait. Sinon, continuez à chercher. Ne baissez pas les bras. C’est comme en amour, vous saurez quand vous aurez trouvé. Et toute relation réussie s’améliore avec le temps. Alors, continuez à chercher jusqu’à ce que vous trouviez.
« Pourquoi la mort est la meilleure chose de la vie »
Ma troisième histoire concerne la mort. A l’âge de 17 ans, j’ai lu une citation qui disait à peu près ceci : « Si vous vivez chaque jour comme s’il était le dernier, vous finirez un jour par avoir raison. » Elle m’est restée en mémoire et, depuis, pendant les trente-trois années écoulées, je me suis regardé dans la glace le matin en me disant : « Si aujourd’hui était le dernier jour de ma vie, est-ce que j’aimerais faire ce que je vais faire tout à l’heure ? » Et si la réponse est non pendant plusieurs jours à la file, je sais que j’ai besoin de changement.
Avoir en tête que je peux mourir bientôt est ce que j’ai découvert de plus efficace pour m’aider à prendre des décisions importantes. Parce que presque tout – tout ce que l’on attend de l’extérieur, nos vanités et nos fiertés, nos peurs de l’échec – s’efface devant la mort, ne laissant que l’essentiel. Se souvenir que la mort viendra un jour est la meilleure façon d’éviter le piège qui consiste à croire que l’on a quelque chose à perdre. On est déjà nu. Il n’y a aucune raison de ne pas suivre son cœur.
Il y a un an environ, on découvrait que j’avais un cancer. A 7 heures du matin, le scanner montrait que j’étais atteint d’une tumeur au pancréas. Je ne savais même pas ce qu’était le pancréas. Les médecins m’annoncèrent que c’était un cancer probablement incurable, et que j’en avais au maximum pour six mois. Mon docteur me conseilla de rentrer chez moi et de mettre mes affaires en ordre, ce qui signifie : « Préparez-vous à mourir. » Ce qui signifie dire à ses enfants en quelques mois tout ce que vous pensiez leur dire pendant les dix prochaines années. Ce qui signifie essayer de faciliter les choses pour votre famille. En bref, faire vos adieux.
J’ai vécu avec ce diagnostic pendant toute la journée. Plus tard dans la soirée, on m’a fait une biopsie, introduit un endoscope dans le pancréas en passant par l’estomac et l’intestin. J’étais inconscient, mais ma femme, qui était présente, m’a raconté qu’en examinant le prélèvement au microscope, les médecins se sont mis à pleurer, car j’avais une forme très rare de cancer du pancréas, guérissable par la chirurgie. On m’a opéré et je vais bien.
Ce fut mon seul contact avec la mort, et j’espère qu’il le restera pendant encore quelques dizaines d’années. Après cette expérience, je peux vous le dire avec plus de certitude que lorsque la mort n’était pour moi qu’un concept purement intellectuel : personne ne désire mourir. Même ceux qui veulent aller au ciel n’ont pas envie de mourir pour y parvenir. Pourtant, la mort est un destin que nous partageons tous. Personne n’y a jamais échappé. Et c’est bien ainsi, car la mort est probablement ce que la vie a inventé de mieux. C’est le facteur de changement de la vie. Elle nous débarrasse de l’ancien pour faire place au neuf. En ce moment, vous représentez ce qui est neuf, mais un jour vous deviendrez progressivement l’ancien, et vous laisserez la place aux autres. Désolé d’être aussi dramatique, mais c’est la vérité.
Votre temps est limité, ne le gâchez pas en menant une existence qui n’est pas la vôtre. Ne soyez pas prisonnier des dogmes qui obligent à vivre en obéissant à la pensée d’autrui. Ne laissez pas le brouhaha extérieur étouffer votre voix intérieure. Ayez le courage de suivre votre cœur et votre intuition. L’un et l’autre savent ce que vous voulez réellement devenir. Le reste est secondaire.
Dans ma jeunesse, il existait une extraordinaire publication The Whole Earth Catalog , l’une des bibles de ma génération. Elle avait été fondée par un certain Stewart Brand, non loin d’ici, à Menlo Park, et il l’avait marquée de sa veine poétique. C’était à la fin des années 1960, avant les ordinateurs et l’édition électronique, et elle était réalisée entièrement avec des machines à écrire, des paires de ciseaux et des appareils Polaroid. C’était une sorte de Google en livre de poche, trente-cinq ans avant la création de Google. Un ouvrage idéaliste, débordant de recettes formidables et d’idées épatantes.
Stewart et son équipe ont publié plusieurs fascicules de The Whole Earth Catalog . Quand ils eurent épuisé la formule, ils sortirent un dernier numéro. C’était au milieu des années 1970, et j’avais votre âge. La quatrième de couverture montrait la photo d’une route de campagne prise au petit matin, le genre de route sur laquelle vous pourriez faire de l’auto-stop si vous avez l’esprit d’aventure. Dessous, on lisait : « Soyez insatiables. Soyez fous. » C’était leur message d’adieu. Soyez insatiables. Soyez fous. C’est le vœu que j’ai toujours formé pour moi. Et aujourd’hui, au moment où vous recevez votre diplôme qui marque le début d’une nouvelle vie, c’est ce que je vous souhaite.
Soyez insatiables. Soyez fous.
Merci à tous.»
Mais c'est le discours de Stanford que je voulais vous retransmettre ici. Le discours d'un homme dont la passion, la curiosité et l'élan vital l'a poussé à briser des dogmes. Paix à son âme et espérons que d'autres figures aussi libres continuent de inspirer comme il a su le faire : "Se souvenir que la mort viendra un jour est la meilleure façon d’éviter le piège qui consiste à croire que l’on a quelque chose à perdre. On est déjà nu. Il n’y a aucune raison de ne pas suivre son cœur."
Bonne lecture !
« C’est un honneur de me trouver parmi vous aujourd’hui et d’assister à une remise de diplômes dans une des universités les plus prestigieuses du monde. Je n’ai jamais terminé mes études supérieures. A dire vrai, je n’ai même jamais été témoin d’une remise de diplômes dans une université. Je veux vous faire partager aujourd’hui trois expériences qui ont marqué ma carrière. C’est tout. Rien d’extraordinaire. Juste trois expériences.
« Pourquoi j’ai eu raison de laisser tomber l’université »
La première concerne les incidences imprévues. J’ai abandonné mes études au Reed College au bout de six mois, mais j’y suis resté auditeur libre pendant dix-huit mois avant de laisser tomber définitivement. Pourquoi n’ai-je pas poursuivi ?
Tout a commencé avant ma naissance. Ma mère biologique était une jeune étudiante célibataire, et elle avait choisi de me confier à des parents adoptifs. Elle tenait à me voir entrer dans une famille de diplômés universitaires, et tout avait été prévu pour que je sois adopté dès ma naissance par un avocat et son épouse. Sauf que, lorsque je fis mon apparition, ils décidèrent au dernier moment qu’ils préféraient avoir une fille. Mes parents, qui étaient sur une liste d’attente, reçurent un coup de téléphone au milieu de la nuit : « Nous avons un petit garçon qui n’était pas prévu. Le voulez-vous ? » Ils répondirent : « Bien sûr. » Ma mère biologique découvrit alors que ma mère adoptive n’avait jamais eu le moindre diplôme universitaire, et que mon père n’avait jamais terminé ses études secondaires. Elle refusa de signer les documents définitifs d’adoption et ne s’y résolut que quelques mois plus tard, quand mes parents lui promirent que j’irais à l’université.
Dix-sept ans plus tard, j’entrais donc à l’université. Mais j’avais naïvement choisi un établissement presque aussi cher que Stanford, et toutes les économies de mes parents servirent à payer mes frais de scolarité. Au bout de six mois, je n’en voyais toujours pas la justification. Je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire dans la vie et je n’imaginais pas comment l’université pouvait m’aider à trouver ma voie. J’étais là en train de dépenser tout cet argent que mes parents avaient épargné leur vie durant. Je décidai donc de laisser tomber. Une décision plutôt risquée, mais rétrospectivement c’est un des meilleurs choix que j’aie jamais faits. Dès le moment où je renonçais, j’abandonnais les matières obligatoires qui m’ennuyaient pour suivre les cours qui m’intéressaient.
Tout n’était pas rose. Je n’avais pas de chambre dans un foyer, je dormais à même le sol chez des amis. Je ramassais des bouteilles de Coca-Cola pour récupérer le dépôt de 5 cents et acheter de quoi manger, et tous les dimanches soir je faisais 10 kilomètres à pied pour traverser la ville et m’offrir un bon repas au temple de Hare Krishna. Un régal. Et ce que je découvris alors, guidé par ma curiosité et mon intuition, se révéla inestimable à l’avenir. Laissez-moi vous donner un exemple : le Reed College dispensait probablement alors le meilleur enseignement de la typographie de tout le pays. Dans le campus, chaque affiche, chaque étiquette sur chaque tiroir était parfaitement calligraphiée. Parce que je n’avais pas à suivre de cours obligatoires, je décidai de m’inscrire en classe de calligraphie. C’est ainsi que j’appris tout ce qui concernait l’empattement des caractères, les espaces entre les différents groupes de lettres, les détails qui font la beauté d’une typographie. C’était un art ancré dans le passé, une subtile esthétique qui échappait à la science. J’étais fasciné.
Rien de tout cela n’était censé avoir le moindre effet pratique dans ma vie. Pourtant, dix ans plus tard, alors que nous concevions le premier Macintosh, cet acquis me revint. Et nous l’incorporâmes dans le Mac. Ce fut le premier ordinateur doté d’une typographie élégante. Si je n’avais pas suivi ces cours à l’université, le Mac ne posséderait pas une telle variété de polices de caractères ni ces espacements proportionnels. Et comme Windows s’est borné à copier le Mac, il est probable qu’aucun ordinateur personnel n’en disposerait. Si je n’avais pas laissé tomber mes études à l’université, je n’aurais jamais appris la calligraphie, et les ordinateurs personnels n’auraient peut-être pas cette richesse de caractères. Naturellement, il était impossible de prévoir ces répercussions quand j’étais à l’université. Mais elles me sont apparues évidentes dix ans plus tard.
On ne peut prévoir l’incidence qu’auront certains événements dans le futur ; c’est après coup seulement qu’apparaissent les liens. Vous pouvez seulement espérer qu’ils joueront un rôle dans votre avenir. L’essentiel est de croire en quelque chose – votre destin, votre vie, votre karma, peu importe. Cette attitude a toujours marché pour moi, et elle a régi ma vie.
« Pourquoi mon départ forcé d’Apple fut salutaire »
Ma deuxième histoire concerne la passion et l’échec. J’ai eu la chance d’aimer très tôt ce que je faisais. J’avais 20 ans lorsque Woz [Steve Wozniak, le co-fondateur d’Apple N.D.L.R.] et moi avons créé Apple dans le garage de mes parents. Nous avons ensuite travaillé dur et, dix ans plus tard, Apple était une société de plus de 4 000 employés dont le chiffre d’affaires atteignait 2 milliards de dollars. Nous venions de lancer un an plus tôt notre plus belle création, le Macintosh, et je venais d’avoir 30 ans.
C’est alors que je fus viré. Comment peut-on vous virer d’une société que vous avez créée ? C’est bien simple, Apple ayant pris de l’importance, nous avons engagé quelqu’un qui me semblait avoir les compétences nécessaires pour diriger l’entreprise à mes côtés et, pendant la première année, tout se passa bien. Puis nos visions ont divergé, et nous nous sommes brouillés. Le conseil d’administration s’est rangé de son côté. C’est ainsi qu’à 30 ans je me suis retrouvé sur le pavé. Viré avec perte et fracas. La raison d’être de ma vie n’existait plus. J’étais en miettes.
Je restais plusieurs mois sans savoir quoi faire. J’avais l’impression d’avoir trahi la génération qui m’avait précédé – d’avoir laissé tomber le témoin au moment où on me le passait. C’était un échec public, et je songeais même à fuir la Silicon Valley. Puis j’ai peu à peu compris une chose – j’aimais toujours ce que je faisais. Ce qui m’était arrivé chez Apple n’y changeait rien. J’avais été éconduit, mais j’étais toujours amoureux. J’ai alors décidé de repartir de zéro.
Je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite, mais mon départ forcé d’Apple fut salutaire. Le poids du succès fit place à la légèreté du débutant, à une vision moins assurée des choses. Une liberté grâce à laquelle je connus l’une des périodes les plus créatives de ma vie.
Pendant les cinq années qui suivirent, j’ai créé une société appelée NeXT et une autre appelée Pixar, et je suis tombé amoureux d’une femme exceptionnelle qui est devenue mon épouse. Pixar, qui allait bientôt produire le premier film d’animation en trois dimensions, Toy Story , est aujourd’hui la première entreprise mondiale utilisant cette technique. Par un remarquable concours de circonstances, Apple a acheté NeXT, je suis retourné chez Apple, et la technologie que nous avions développée chez NeXT est aujourd’hui la clé de la renaissance d’Apple. Et Laurene et moi avons fondé une famille merveilleuse.
Tout cela ne serait pas arrivé si je n’avais pas été viré d’Apple. La potion fut horriblement amère, mais je suppose que le patient en avait besoin. Parfois, la vie vous flanque un bon coup sur la tête. Ne vous laissez pas abattre. Je suis convaincu que c’est mon amour pour ce que je faisais qui m’a permis de continuer. Il faut savoir découvrir ce que l’on aime et qui l’on aime. Le travail occupe une grande partie de l’existence, et la seule manière d’être pleinement satisfait est d’apprécier ce que l’on fait. Sinon, continuez à chercher. Ne baissez pas les bras. C’est comme en amour, vous saurez quand vous aurez trouvé. Et toute relation réussie s’améliore avec le temps. Alors, continuez à chercher jusqu’à ce que vous trouviez.
« Pourquoi la mort est la meilleure chose de la vie »
Ma troisième histoire concerne la mort. A l’âge de 17 ans, j’ai lu une citation qui disait à peu près ceci : « Si vous vivez chaque jour comme s’il était le dernier, vous finirez un jour par avoir raison. » Elle m’est restée en mémoire et, depuis, pendant les trente-trois années écoulées, je me suis regardé dans la glace le matin en me disant : « Si aujourd’hui était le dernier jour de ma vie, est-ce que j’aimerais faire ce que je vais faire tout à l’heure ? » Et si la réponse est non pendant plusieurs jours à la file, je sais que j’ai besoin de changement.
Avoir en tête que je peux mourir bientôt est ce que j’ai découvert de plus efficace pour m’aider à prendre des décisions importantes. Parce que presque tout – tout ce que l’on attend de l’extérieur, nos vanités et nos fiertés, nos peurs de l’échec – s’efface devant la mort, ne laissant que l’essentiel. Se souvenir que la mort viendra un jour est la meilleure façon d’éviter le piège qui consiste à croire que l’on a quelque chose à perdre. On est déjà nu. Il n’y a aucune raison de ne pas suivre son cœur.
Il y a un an environ, on découvrait que j’avais un cancer. A 7 heures du matin, le scanner montrait que j’étais atteint d’une tumeur au pancréas. Je ne savais même pas ce qu’était le pancréas. Les médecins m’annoncèrent que c’était un cancer probablement incurable, et que j’en avais au maximum pour six mois. Mon docteur me conseilla de rentrer chez moi et de mettre mes affaires en ordre, ce qui signifie : « Préparez-vous à mourir. » Ce qui signifie dire à ses enfants en quelques mois tout ce que vous pensiez leur dire pendant les dix prochaines années. Ce qui signifie essayer de faciliter les choses pour votre famille. En bref, faire vos adieux.
J’ai vécu avec ce diagnostic pendant toute la journée. Plus tard dans la soirée, on m’a fait une biopsie, introduit un endoscope dans le pancréas en passant par l’estomac et l’intestin. J’étais inconscient, mais ma femme, qui était présente, m’a raconté qu’en examinant le prélèvement au microscope, les médecins se sont mis à pleurer, car j’avais une forme très rare de cancer du pancréas, guérissable par la chirurgie. On m’a opéré et je vais bien.
Ce fut mon seul contact avec la mort, et j’espère qu’il le restera pendant encore quelques dizaines d’années. Après cette expérience, je peux vous le dire avec plus de certitude que lorsque la mort n’était pour moi qu’un concept purement intellectuel : personne ne désire mourir. Même ceux qui veulent aller au ciel n’ont pas envie de mourir pour y parvenir. Pourtant, la mort est un destin que nous partageons tous. Personne n’y a jamais échappé. Et c’est bien ainsi, car la mort est probablement ce que la vie a inventé de mieux. C’est le facteur de changement de la vie. Elle nous débarrasse de l’ancien pour faire place au neuf. En ce moment, vous représentez ce qui est neuf, mais un jour vous deviendrez progressivement l’ancien, et vous laisserez la place aux autres. Désolé d’être aussi dramatique, mais c’est la vérité.
Votre temps est limité, ne le gâchez pas en menant une existence qui n’est pas la vôtre. Ne soyez pas prisonnier des dogmes qui obligent à vivre en obéissant à la pensée d’autrui. Ne laissez pas le brouhaha extérieur étouffer votre voix intérieure. Ayez le courage de suivre votre cœur et votre intuition. L’un et l’autre savent ce que vous voulez réellement devenir. Le reste est secondaire.
Dans ma jeunesse, il existait une extraordinaire publication The Whole Earth Catalog , l’une des bibles de ma génération. Elle avait été fondée par un certain Stewart Brand, non loin d’ici, à Menlo Park, et il l’avait marquée de sa veine poétique. C’était à la fin des années 1960, avant les ordinateurs et l’édition électronique, et elle était réalisée entièrement avec des machines à écrire, des paires de ciseaux et des appareils Polaroid. C’était une sorte de Google en livre de poche, trente-cinq ans avant la création de Google. Un ouvrage idéaliste, débordant de recettes formidables et d’idées épatantes.
Stewart et son équipe ont publié plusieurs fascicules de The Whole Earth Catalog . Quand ils eurent épuisé la formule, ils sortirent un dernier numéro. C’était au milieu des années 1970, et j’avais votre âge. La quatrième de couverture montrait la photo d’une route de campagne prise au petit matin, le genre de route sur laquelle vous pourriez faire de l’auto-stop si vous avez l’esprit d’aventure. Dessous, on lisait : « Soyez insatiables. Soyez fous. » C’était leur message d’adieu. Soyez insatiables. Soyez fous. C’est le vœu que j’ai toujours formé pour moi. Et aujourd’hui, au moment où vous recevez votre diplôme qui marque le début d’une nouvelle vie, c’est ce que je vous souhaite.
Soyez insatiables. Soyez fous.
Merci à tous.»
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