A
la demande générale, je vais vous chanter « el sombrero »... Non, il
s'agit d'une blague bien connue mais il est vrai que certains nous ont
demandé quel était notre point de vue sur le candaulisme, pratique qui
consiste à partager ou regarder sa conjointe dans les bras d'un autre
homme.
Cette pratique est relativement complexe car elle va du simple partage à l’humiliation.
Le
mot vient de l'histoire du roi Candaule qui aurait trouvé sa femme si
belle qu'il l'obligea à marcher nue devant les soldats avant de la tuer à
cause de son refus. Une autre version indique qu'il l'aurait montré nue
à un homme et que sa femme pour se venger aurait demandé à l'homme de
tuer le roi, de l'épouser et de prendre sa place sur le trône.
L'histoire rapporte plus un interdit où la jouissance moderne vient s'engouffrer.
Freud,
de mémoire, explique cette pratique par le besoin d'un homme de
retrouver une forme de puissance virile en se projetant dans le corps du
jeune amant fougueux. C'est aussi l'hypothèse du roman de Romain Gary, «
Au delà de cette limite, votre ticket n'est plus valable », où le
héros, amoureux d'une jeune femme mais en difficulté érectile offre à sa
promise de jeunes hommes.
Reste, comme toujours, que la réalité est plus complexe.
Certains
pratiquent le candaulisme pour vivre certaines tendances homosexuelles,
profitant que le jeune homme soit occupée par la femme pour s'occuper
de lui. D'autres vivent par procuration la puissance érotique du jeune
homme, d'autres vivent cette pratique comme une continuité logique du
libertinage ou plus exactement de l'échangisme, considérant que si le
couple se partage parfois des jeunes femmes, ils peuvent aussi se
partager des jeunes hommes.
Mais
plus que ces explications, c'est l'entrée d'un tiers, qu'il soit homme,
femme ou couple dans le couple qui offre l'analyse la plus
intéressante. Et cela est d'autant plus repérable quand il s'agit d'une
seule personne.
L’entrée
d’un tiers dans le couple change le regard et offre un spectacle au
sujet qui regarde. Faire entrer un/e autre oblige à de décentrer et à
voir son / sa partenaire différemment. Comme la fonction d’un miroir qui
nous fait prendre conscience de notre soi, le/la tiers nous fait
prendre conscience de l’autre.
Ce
n’est pas sans danger car la fonction du regard est cathartique et
l’abréaction d’autant plus forte que l’expérience est nouvelle. Au point
que certains peuvent se figer sur cette étape et y trouver une
jouissance particulièrement forte. Plus que dans l’acte lui même.
Jusqu’à s’y perdre et rechercher dans certains cas l’humiliation et une
forme de masochisme.
Mais
pour d’autres les enjeux du désir et la désacralisation de la sexualité
font que le désir reste flottant, ouvrant juste des perspective de
partage et de jouissance dans l’abandon des codes symboliques.
Reste
que quand le couple s'essouffle dans son désir, l’entrée du danger et
de la compétition réactive la jalousie et le désir de possession. C’est
pour cela qu’il est assez courant chez les échangistes que l’activité
érotique soit plus forte encore le lendemain que dans les parties fines.
In fine, la sexualité échangiste n’est que le prélude à des
retrouvailles; un petit tour chez les autres pour assouvir quelques
penchants avant de revenir dans le confort du foyer.
Post hoc, ergo propter hoc.
mardi 17 avril 2012
mercredi 4 avril 2012
Retour à cold mountain
Après quelques semaines d'absences du
à une autre passion plus musicale, je reviens aujourd'hui pour
exposer quelques réflexions.
Pour avoir discuter ces dernières
semaines sur la définition du libertinage et voir combien certains
ont une visions fantaisiste de la chose et ce qui l'accompagne, je
ne peux que redire ce qui me semblent de plus en plus évident. Le
libertinage n'existe pas. Ou plus exactement n'existe plus.
En un autre temps, le libertinage avait
une odeur de souffre et collait à la peau de personnages qui
allaient contre les mœurs de leur temps. Ce n'est plus le cas
aujourd'hui, et l'apparition contemporaine d'un nouveau genre, le
couple échangiste vient de plus changer la donne. Parler de couple
libertin est manifestement une aporie. Soit on parle de couple libre,
soit on parle d'une association de malfaiteur si j'ose dire, deux
libertins qui convolent ensemble...
Ce que l'on nomme aujourd'hui
libertinage, lorsqu'il est pratiqué solitairement, ressemble
fortement à la catégorie sociale des dragueurs et des gentils
garçons. Que ces derniers ou ces dernières soient d'ailleurs dans
une consommation compulsive ou dans la recherche d'un partenaire
idéal. Les deux faces se valent bien. L'idéal est par essence
inatteignable. C'est un leurre.
Quant aux pratiques de couples, de ce
que je peux observer depuis bientôt cinq ans, c'est essentiellement
une sorte de new deal pour dépasser les problèmes classiques :
asynchronie sexuelle, jalousie, désir et lien social.
Il est d'ailleurs intéressant
d'observer les nouveaux venus dans cette pratique et la manière dont
ils construisent leurs discours et leurs envies. Habituellement, ils
entrent dans ce petit monde interlope par les fantasmes, mais comme à
chaque fois, le fantasme n'est pas le bon chemin. Le fantasme par
essence n'est pas réalisable, c'est donc forcément un ratage. Passé
la déception (ou les frayeurs !) du début, les couples
s’accommodent plus facilement de fantaisies sexuelles, ajoutant un
nombre de frontières proportionnellement égales à la surface de
leurs fantasmes, rendant ainsi le convolage en justes noces
relativement bien normé et loin du souffre débridé des aïeux
libertins.
N'oublions pas évidemment ceux qui
viennent assouvir une forme de perversité (au sens littéral, pas la
perversion). Eux savent très bien comment ils doivent jouir. Qu'ils
ou qu'elles soient fétichistes, narcissiques, dans le contrôle ou
dans des glissades homosexuelles à moitié assumées, tout peut se
réduire finalement à une forme de fétichisme de corps, le leur ou
celui d'un autre qui n'est qu'un corps idéal projeté, comme dans le
candaulisme par exemple.
En réalité, ce sont ces derniers, ces
prétendus pervertis pour la société qui font le trait d'union avec
l'histoire du libertinage, car eux sont hors convention et sortent
réellement des mœurs de notre temps, de tous les temps même. On y
retrouve bien plus facilement la figure d'un Don Juan ou d'un
Casanova que chez la plupart des couples.
Reste que si le mot libertin a changé
d'acception, ces nouvelles pratiques signent la particularité de
notre société en dérive affective. Comme un contre pied à la
société du spectacle, ces néo-libertins cherchent à réinventer
une vie de couple ou une vie affective qui soit plus respectueuse.
Je pense notamment à un homme seul néo
libertin de condition, détestant les boites de nuits ou la drague et
qui nous avait dit ne pas apprécier d'être pris pour un objet
sexuel. Un discours étonnant décalé pour qui jette un œil trop
rapide sur ce petit monde interlope.
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